Brer soul

Melvin Van Peebles

par Maxime Morinière le 27/11/2010

Note: 8.5     
Morceaux qui Tuent
Lilly done the Zampoughi everytime I pulled her coattail
The Dozens

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Nous sommes en 1968 quand Melvin Van Peebles sort son premier album "Brer Soul", mélange radical de jazz et de funk avec des textes plus parlés que chantés.

Melvin Van Peebles est certainement l'un des artistes afro-américains les plus influents de l'époque pour la communauté noire, puisqu'il est le réalisateur, acteur principal, co-producteur et compositeur de la bande originale de "Sweet sweetback's baadasssss song", un mythique film de blaxploitation - genre cinématographique des films réalisés par des noirs, joués par des noirs et dont, généralement, les bandes originales "funky" sont plus mémorables que les films eux-mêmes.

Le parcours de cet activiste est plutôt atypique et vaut la peine d'être conté.
Né en 1932 à Chicago, il y fait ses études puis rentre dans l'US Air Force. Il y reste trois ans, puis part pour Mexico, où il peint pour survivre. Il rentre ensuite au pays et fait le taxi à San Francisco. C'est là que lui vient l'idée de faire des films, sans savoir comment on en fait, bien entendu. Il présente finalement ses courts métrages à Hollywood, et en revient le cœur brisé. C'est alors que lui vient l'improbable idée d'aller étudier l'astronomie aux Pays-Bas.
Nous sommes alors en 1959. N'ayant pas les moyens de se payer l'avion, il ira en bateau, laissant en contrepartie ses films, qui voyageront jusqu'en France. Un beau jour, il reçoit une lettre de la Cinémathèque Française lui disant qu'il est un génie ! C'est ainsi qu'il arrive chez nous, apprend rapidement la langue et se met à écrire des romans, les deux premiers en anglais, les suivants en français. Il réalise également quelques films, jusqu'à un certain succès en 1968 avec "The story of a three-day pass", qui gagnera le premier prix au Festival du Film de San Francisco. Il rentre donc au pays sans le sous mais avec une certaine aura. C'est alors qu'il décide de réaliser... un album ! Il l'avoue lui même, il ne connait également rien en musique, si bien qu'il ne compose qu'à l'aide du numéro qu'il a donné aux touches d'un piano.

Cet album sera donc "Br'er Soul". Melvin Van Peebles a une idée précise de ce qu'il veut faire : de la chanson réaliste, en privilégiant les textes à la musique, pour qu'enfin la situation politique du peulpe noir aux Etats-Unis soit évoquée en musique. L'enregistrement se fera à New York pour le compte d'A&M Records, qui lui donne carte blanche. Melvin Van Peebles laisse son ami batteur Warren Smith s'occuper du recrutement des musiciens et de la retranscription de ses compositions.

Cette réédition Cd - la première depuis sa sortie sous format vinyle - mérite vraiment le détour. En plus de donner grandement la parole à Melvin Van Peebles dans le livret, les textes sont fidèlement reproduits et agrémentés d'un commentaire explicatif de l'auteur. Cela permet de faire remonter à la surface ce disque, malheureusement passé aux oubliettes. Il faut néanmoins reconnaître que "Br'er Soul" peut en laisser plus d'un pantois, la facilité d'accès n'étant pas ce qui définit l'œuvre de Melvin Van Peebles. Ainsi, sur un fond sonore de modern jazz, on retrouve éparpillées des montées tout à fait funky. Par dessus, la voix "particulière" du "Br'er Soul" - surnom de Van Peebles  - déclame des histoires souvent abracadabrantesques, aux titres à rallonge comme "Lilly done the Zampoughi everytime I pulled her cottail".

Au final, "Brer Soul", que certains considèreront comme un album précurseur du rap au même titre que les premiers albums des Last Poets, est très plaisant à écouter une fois passé l'effet de surprise des premières écoutes.