| | | par Emmanuel Durocher le 04/09/2007
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| Dans l'Histoire, le nom de Joseph McCarthy reste tristement lié à la chasse aux sorcières que ce sénateur démocrate (!) initia dans les années cinquante contre les communistes (ou soupçonnés de l'être) au sein des communautés scientifiques et artistiques américaines. Il est alors difficile de parler d'hommage quand on sait que Malcom Eden, leader du groupe anglais McCarthy était communiste lui-même.
Formé en 1984, le groupe se concentre sur Eden, voix et tête portée à gauche et Tim Gane, bras qui s'accordent avec une guitare douze cordes. Le reste de la mécanique étant assuré par John Williamson à la basse et Gary Baker à la batterie.
Après quelques singles, le groupe apparaît sur la cassette C86, fameuse compilation réalisée par le magazine New Musical Express en 1986 pour mettre en avant de nouveaux groupes et leur nouvel état d'esprit, les bases de l'indie pop en quelque sorte. On y découvrait Primal Scream, Jesus and the Mary Chain, The Pastels et autres Wedding Present... dont la collection de morceaux apportaient sans prétention une fraîcheur bienvenue, entrelacs twee et noisy pop, guitares jingle-jangle émotive et murs sonores éprouvants, coupes au bol et look asexué, mélancolie et insouciance à tous les étages.
Le premier album de McCarthy, "I am a wallet", sort en 1987 dans la digne continuité de cet esprit, alliant de manière parfaite le romantisme exacerbé des guitares qui imprègnent et transpercent comme une fine pluie d'hiver et les textes engagés chantés parfois sur le ton de la narration d'une manière à la fois sérieuse et absurde rappelant le Monochrome Set, un autre grand groupe ignoré et oublié des années 80. Eden pensait que la politique au sens large permettait d'expliquer plus facilement la société que la psychologie. Ses chansons, souvent inspirés par Brecht ("In the dark times", "The international narcotics traffic") et William Blake ("Antiamericancretin"), traitent de l'argent qui mène le monde à sa perte ("Monetaries", "The way of the world", "The funeral", "Unfortunately"), du nucléaire qui mène la planète à sa perte ("Antinature"), d'une dame de fer qui mène le Royaume-Uni à sa perte ("The wicked palace revolution", "The procession of popular capitalism"), du travail abrutissant qui mène l'individu à sa perte ("A child soon in chains") ou de Charles que l'on mène à la guillotine ("Charles Windsor" qui aurait très bien pu s'appeler The prince is dead). De nombreux morceaux sont écrits du point de vue de désaccord avec lui, à l'image de "God made the virus", qui pris au premier degré apparaîtrait comme un pamphlet contre les homosexuels punis justement par Dieu via le virus du Sida. Le ton désabusé et faussement naïf ne laisse présager aucun lendemain qui chante et vingt ans après, le constat n'en est que plus attristant.
La machine à deux têtes fonctionne à merveille un peu comme des Smiths politisés mais la presse spécialisée aura vite fait de cataloguer McCarthy parmi les formations gauchistes mélangeant aussi bien Billy Bragg que les Redskins et empêchant au groupe d'accéder à un statut digne de son énorme potentiel. Les quatre camarades sortiront un second album en 1989 puis un dernier avant séparation l'année suivante (sur lequel la française Laetitia Sadier - petite amie de Tim Gane le guitariste - pousse la chansonnette). Eden part à Paris fonder l'éphémère Herzfeld avant de disparaître dans la nature tandis que Gane et sa copine iront faire de prometteuses expérimentations sonores sous le nom de Stereolab.
NB : Cette réédition 2007 compte vingt-trois morceaux : les quatorze de l'album original de 1987, les quatre bonus de la version augmentée de 1989, le EP "The Nelson Rockfeller" et le titre "In purgatory" qui figurait sur la compilation "A la guillotine".
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