| | | par Vincent Théval le 28/05/2002
| Morceaux qui Tuent Walk through the fire A long way to fall Merry go round
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| Garth Brooks, son chapeau et ses bottes, ont fait un tort considérable à la country. Se déguiser en cow boy ne suffit pas à transformer un rock Fm dégoulinant en incarnation crédible du patrimoine le plus riche de la musique américaine : la country et le folk. Il faut rendre grâce aux enfants du punk, Mark Eitzel et son American Music Club, Will Oldham et son Palace, Tarnation, les Walkabouts ou Lambchop, d'avoir nettoyé en profondeur un genre qui étouffait sous sa propre caricature. C'est sans doute grâce à eux que nous pouvons aujourd'hui ouvrir nos oreilles à des artistes qui empruntent des chemins musicaux plus balisés et traditionnels. Si Mary Gauthier s'inscrit dans la grande tradition des story-tellers américains, placée sous le haut patronage de Saint Woodie Guthrie, on ne peut qualifier sa vie de balisée. Aujourd'hui revenue d'à peu près toutes les addictions possibles, son parcours tumultueux nourrit ses chansons comme autant de petits portraits de l'Amérique des marges. Récit d'une enfance orpheline, souvenir des champs de canne à sucre brûlés chaque hiver par les grands propriétaires de Louisiane, au mépris de la santé des habitants, noyade dans l'alcool, les mots sont simples et poignants au service d'une narration serrée. La grande intelligence du disque est de ne pas surligner ces histoires par un accompagnement musical trop lourd. Ces chansons sont arrangées avec goût de façon discrète, classique mais efficace. Discrète parce que ce qu'on entend avant tout, c'est la voix de Mary Gauthier, sublime, dont les inflexions subtiles sont tout simplement bouleversantes. Inutile de comprendre l'anglais pour pleurer en écoutant "A long way to fall". Efficace parce que ces chansons ont des mélodies généreuses et fluides ("Walk through the fire" et son atmosphère lourde, "Sugar cane" d'une grande puissance évocatrice). Classique parce qu'on y retrouve le matériau de base de la country : guitares, harmonica, violon, harmonium. On peut même taper du pied sur "Goodbye" (jusqu'à ce qu'on comprenne les paroles). Bien sûr, "After you're gone" sent un peu le foin mais l'essentiel de ces chansons touche au but. Elles portent en elles une grande tristesse mais aussi un esprit de résistance et de contestation qui nourriront la fascination que nous avons pour cette Amérique des marges. |
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