| | | par Francois Branchon le 11/12/2009
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| Le procédé dramatique est connu : un
objet passe de mains en mains sans que ceux qui le manipulent ne se
doutent de sa valeur (une guitare dans le film yéyé "Cherchez
l'idole" de Michel Boisron en 1964 ou dans le roman Reservation
blues de l’écrivain américain Spokane Sherman Alexie
en 1995) ou incarnent à leur insu les jalons de l'"aventure"
de l'objet lui-même (une robe, dans le film du même nom du
Hollandais Alex van Warmerdam en 1996). Il s'agit ici aussi d'une
guitare, carrée celle-là, la fameuse (réelle ?) Gretsch Blue Hawaï
sur mesure, que Bo Diddley aurait commandé à son luthier puis
refusé en raison de sa couleur pas assez masculine.
L'objet
mythique atterrit on ne sait comment à Paris, va passer de mains en
mains et porter la poisse, sinon pire, à tous ceux qui vont l'avoir
entre les mains. En témoigneront un chauffeur de taxi dingue de
rock, un basketteur de banlieue, un musicien en quête de papiers, un
producteur louche...
Cette adaptation presque à l'identique
et par lui-même du roman que Marc Villard avait publié chez Rivages
Noir en 2003 (presque, car Bo Diddley, absent du roman, fait une
apparition ici) vaut par le réalisme du récit et des personnages,
par l'instillation du doute (cette guitare n'existerait-elle pas
"vraiment" ?) et par le dessin de Jean-Christophe
Chauzy, excellent dans les portraits très expressifs de ces gueules
cassées qui parsèment le récit, géographiquement
limité à une partie du 18ème arrondissement de Paris, le
triangle Goutte d'Or, Barbès, Château-Rouge.
On regrettera
tout de même l'absence d'éclaircissement sur la présence de
l'instrument mythique à Paris, la corde facile du cliché (18ème
arrondissement = bas-fonds louches et faune de losers), mais plus
encore, l'aberration que cette guitare reste muette tout au long du
récit, même entre des mains de musiciens. On aurait bien aimé
l'entendre cette putain de merveille !
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