| | | par Frédéric Joussemet le 19/09/2000
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| Voici la seconde plongée de Manuel Hermia vers un jazz plus traditionnel que la fusion, style qu'il a pratiqué jusqu'à son hommage à Charlie Parker. Plongée en apnée dans un hard-bop volontaire, "L'esprit du Val" emmène le quartet dans un échange d'idées et d'énergie. Cette spirale s'échappe, fuite en avant poussée par une batterie soulevant chacune des pulsations, les faisant éclater et rebondir sans cesse. Sur ces éclaboussures règne le saxophone de Manuel Hermia. A l'alto ou au soprano, la note jouée prolonge la vibration précédente, l'intensifie, puis tisse une nouvelle toile. Par son jeu propre mais sans entrave, le saxophoniste nous mène dans son territoire sans heurt, naturellement. La force de son discours n'en est que plus grande, sans alourdir la musique d'une froideur mécanique. La singularité de Manuel Hermia est là : il allie son passé de musicien jazz-rock à la chaleur du jazz qu'il joue maintenant. Sa technique sans faille et son goût pour une certaine complexité se font dès lors vecteur d'émotions, font pencher les âmes vers le spleen ou l'allégresse. Pour cela Hermia est solidement entouré. Au piano sévit un maître des ambiances, Erik Vermeulen. Par les assonances douces de ses accords et le balancement de ses ponctuations, il participe à l'introspection. Là encore il n'y a pas de free rageur et incontrôlé, juste un oubli des barrières sans vouloir les sauter à chaque occasion. C'est d'ailleurs la volonté générale qui semble alimenter chaque membre. Savatore de la Rocca à la contrebasse ne fait pas exception. Ce n'est pas un bassiste extraverti : il ne se montre pas mais reste en soutien, variant les accompagnements au gré des soli et de la pulsation. Il est en cela complémentaire avec le batteur Bruno Castellucci, prêt à embraser tout silence. Autour de deux reprises gravitent les six compositions de Hermia. Chacune abrite un sentiment propre, une atmosphère particulière. Les idées sont claires et précises, les arrangements sobres pour laisser aux musiciens la place d'épingler leurs envies suivant l'instant. La même concision apparaît pour "Juju" de Wayne Shorter et "Afro Blue" de Coltrane, seuls les thèmes restent immuables, le reste vit sans obstacle. La nouvelle oeuvre de Manuel Hermia est grande, elle précipite tous les ingrédients dans un magma autant flamboyant que facile d'accès pour les non-initiés. A découvrir d'urgence, ce disque rend libre. |
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