| | | par Francois Branchon le 03/12/2009
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| Après la lecture du tome 4 final, noir
et mélancolique, du "Combat ordinaire", on avait le
sentiment que Manu Larcenet avait pondu là une "œuvre", une
création parfaitement maitrisée et visant juste émotionnellement,
qui ne semblait guère dépassable. C'était à l'évidence
sous-estimer Larcenet, (déjà) de retour avec "Blast",
série annoncée en 5 tomes, dont le premier "Grasse carcasse"
est un pavé de plus de 200 pages.
Huis-clos oppressant dans
un commissariat où le personnage central, Polza Mancini, est cuisiné
par deux flics, le livre s'aère, au propre comme au figuré, lors
des flash-backs sur sa vie. On comprend très vite que Mancini,
hideux et répugnant, compense le degoût qu'il inspire par une intelligence hors du commun,
que les deux flics ne sont pas au bout de leurs peines et que pour le
faire avouer la chose "terrible" dont il est coupable, ils
vont devoir jouer au plus fin, à l'opposé d'une
stratégie violente.
Ce "cahier des charges"
rédactionnel que se fixe Larcenet va lui permettre d'aborder tous
les thèmes qui lui sont chers : l'introspection, le deuil, la
recherche et l'acceptation de soi-même, les marginaux et laissés
pour compte... mais il gagne une dimension, la "séduction". Autant
les personnages du "Combat ordinaire" étaient
immédiatement attachants, des gens "cool" facilitant l'identification,
autant le pari est ici nettement plus osé : Polza Mancini est
(physiquement) "immédiatement" répugnant, et tout indique
qu'il n'est qu'un malin, trouble et manipulateur. Pourtant, Larcenet n'a besoin
que du tiers du livre pour annuller le handicap avec grande aisance
et rendre son personnage si attachant qu'on n'a plus envie de lâcher cet obèse hyper-sensible devenu écrivain en fuite vers l'ile de
Pâques à la mort de son père, bavard mais adepte des silences. Et ainsi jusqu'à la fin du bouquin.
Le dessin et la mise en page
de Larcenet ont aussi évolué, non formaté aux seules petites
vignettes. Le trait est plus épuré, plus soigné, on frôle parfois
le tableau où l'obèse pourrait sortir de l'imagination d'un Etienne
de Crécy (période "Léon la came"). Du grand art.
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