Originaire du New Jersey mais émigrée
en Angleterre au début des années soixante, Madeline Bell,
chanteuse de gospel correcte, enregistre deux singles pop en 1964
(pour Columbia) avant de plonger dans le "swinging London"
avec allégresse, et attirer facilement les chasseurs de chez Philips
Uk en recherche d'une "Dusty Springfield noire" à qui
faire chanter un répertoire de reprises soul américaines. Ainsi,
après deux singles concluants en 1965, Philips finance l'album
"Bell's a poppin'" en 1967, en ne lésinant pas sur les
moyens : Johnny Franz produit (Dusty Springfield, les Walker Brothers
c'est aussi lui, à la même période) et Arthur Greenslade arrange
(le même qui enrobe Dusty Springfield, Cat Stevens, Gainsbourg &
Bardot, les Rolling Stones de cette mi-sixties...).
D'entrée "Picture me gone" (de Chip Taylor) donne le
ton pop de l'album. Cependant, Madeline Bell se sent peut-être
d'autres ambitions, plus classieuses, une prétention qui appellera
la comparaison avec Dusty Springfield et ne tournera que rarement à
l'avantage de Bell, qui manque singulièrement de coffre. Sur les
reprises sans souffle des incontournables Bacharach/David, "What
the world needs now is love" et "Last one to be loved",
comme sur le plus obscur et malgré tout agréable "Don't come
running to me" de Jean Wells (à l'origine par Aretha Franklin,
et samplé par Saint-Etienne). Elle peut cependant être plus punchy
("One step at a time" de Maxine Brown), mais aussi anodine
("You won't see me" des Beatles, "It makes no
difference now" des Walker Brothers) ou carrément à zapper (le
sirupeux "Climb ev'ry mountain").
Américaine formatée selon les canons pop anglais de l'époque (Dusty
Springfield, Shirley Bassey), Madeline Bell reste sur le créneau de
la "variété", n'atteignant jamais la grâce ou la force
de ses compatriotes contemporaines (Diana Ross, Dionne Warwick), sans
même mentionner la densité d'une Esther Phillips, même si, le
temps d'une chanson ou deux, elle peut paradoxalement en signer une
des meilleures versions : "I'm gonna make you love me" (de
Gamble/Huff) du répertoire de Diana Ross & The Supremes, "Soul
time" de Shirley Ellis où les arrangements de Greenslade
boostent le groove ou encore la très coulante "Didn't want to
have to do it" des Lovin' Spoonful.
"Bell's a poppin'" connaitra un succès suffisant pour
permettre un deuxième album "Doin' things" (mais un ton en
dessous de celui-ci, faute de répertoire aussi conséquent).
Cette réédition RPM inclue les deux singles Philips de 1965.