| | | par Jérôme Florio le 20/05/2005
| Morceaux qui Tuent One life away Sweethearts on parade Hi-fi Paul's song
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| Bien au chaud depuis quelques années dans la scène "alt-country" (il a joué avec Bright Eyes, Catpower), Matt Ward fait son bonhomme de chemin et rallie un public qui s'élargit peu à peu, grâce à un bouche-à-oreille et une réputation qui vont croissant. Après les très bons "End of amnesia" (2001) et "Transfiguration of Vincent" (2003), il sort sans tapage "Transistor radio" : au point de convergence de diverses influences ("crossroads" ?), le disque s'ouvre sur une reprise des Beach Boys et se referme avec un prélude de Bach, tous deux joués avec la même retenue gorgée d'émotion.
Rendons au passage hommage à l'un des meilleurs centres de formation du rock depuis une vingtaine d'années, Giant Sand et son coach Howe Gelb (le John Mayall d'aujourd'hui ?) : y sont passés Calexico bien sûr, mais aussi Matt Ward qui y a tenu la place de guitariste. Et quel guitariste, à la technique versatile : avec sa seule six-cordes, il parvient à remplacer tout l'orchestre utilisé par Brian Wilson sur "You still believe in me", tiré du classique "Pet sounds". Ward est envapé dans son monde, visiblement raide dingue de musique, entretenant avec elle une relation très intime, fusionnelle. Tout y passe : pedal-steel, guitare électrique, classique et folk, dobro
Mais où se trouve-t-on, au juste ? "One life away" semble être une ritournelle captée d'un antique poste à galène branché sur une station de country des années 40 - l'impression de recevoir la lumière d'une étoile morte, qui s'imprime dans notre tête pour ne plus en sortir. Que Matt Ward joue en groupe avec une électricité basse tension ("Sweethearts on parade", "Hi-fi"), un boogie récréatif ("Big boat"), ou en solo une variation-clin d'il aux Beatles ("Here comes the sun again"), il y a une sensibilité pop qui rend tout immédiatement accessible, accrocheur.
On tient le disque entre nos mains, et c'est une bonne preuve que l'on est au présent : mais la voix de Ward, genre Tom Waits jeune en plus réservé, et que l'on imagine filtrée par un micro d'époque, semble avoir dévalé un torrent de graviers pour arriver jusqu'à nous. Long de 16 plages, "Transistor radio" aurait peut-être gagné en concision sur sa deuxième moitié, majoritairement acoustique. L'intermède "Regeneration No. 1" vient casser la belle hébétude qui saisit sur les six premières titres, et deux ou trois chansons font du surplace dans la poussière : "Deep dark well", "Oh take me back" (prière a prendre au pied de la lettre), "I'll be yr bird" renforcent l'aspect hors-temps, évaporé, de l'album.
Quand survient "Well-tempered clavier" (Le "Clavier bien tempéré" de Jean-Sébastien Bach, un tube du 18ème siècle), Matt Ward nous a bien baladé : du blues possédé et électrique de "Four hours in Washington" à la mélancolie de "Paul's song", il dessine la carte d'un univers à la discrète et réelle singularité. A la fois élève et passeur, Ward réussit sans forcer à nous paumer dans un paysage faussement familier, au décalage subtil. On ne demandera à personne le chemin du retour. |
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