Hold time

M Ward

par Jérôme Florio le 19/02/2009

Note: 8.5    
Morceaux qui Tuent
Rave on
One hundred million years
Shangri-La


M(arcel ?) Ward serait-il à la recherche du temps perdu ? Après "Transistor radio" (2004) et "Post war" (2006), "Hold time" se rapproche d'un temps suspendu idéal, un état d'apesanteur qu'il touche du bout des doigts.

Au fil des années, Ward a perfectionné son langage musical. Exit le souffle pas très pro de "Duets for guitars #2" (2000) : du folk-blues boisé des premiers disques (le picking impeccable de "One million hundred years" refait quasiment "The crooked spine") jusqu'à "Hold time", il a appris à maîtriser toutes les ressources d'un studio d'enregistrement. Matt a notamment joué pour les autres (Cat Power, Jenny Lewis, Norah Jones, "Bleu pétrole" de Bashung...), et formé le projet parallèle She & Him avec l'actrice Zooey Deschanel.
Il semble maintenant avoir trouvé une formule sonore définitive, qui asseoit sa personnalité et son univers. Ses efforts ne portent pas sur le songwriting, dont le point culminant était "Transfiguration of Vincent" (2003) : les compositions tournent autour de deux-trois accords, quelques lignes de texte, "Jailbird" par exemple est très ténu. C'est le son qui fait toute la différence, autour de la voix (agréablement caillouteuse mais un peu molle, avec un effet réverb-micro vintage un peu systématique) et cette façon de frapper les accords, légèrement étouffée. Nappes de clavier, cordes, cloches, choeurs... Matt Ward monte un mur du son Spectorien qui fait de "Hold time" son disque le plus ample et extraverti à ce jour. Bien qu'il n'y ait aucune référence littérale, on flotte dans des fifties-sixties intemporelles, celles des Beach Boys (déjà repris sur "Transistor radio" avec "You still believe in me") et des Shangri-Las - Zooey Deschanel, aux choeurs sur "Never had nobody like you", jouerait le rôle de la petite amie idéale, genre Natalie Wood... Une autre présence féminine s'invite le temps d'un duo, la chanteuse country Lucinda Williams dont la performance fait tout l'intérêt de la reprise "Oh lonesome me", un peu émoussée par rapport à la version de Neil Young en 1971 sur "After the gold rush".

Cet équilibre entre riche toile de fond et simplicité des motifs est très fragile, et Matt Ward s'en sort grâce à sa capacité à faire sortir de la masse orchestrale un simplissime chorus de guitare, qui va se loger droit entre les oreilles. Avec force moyens, il parvient à faire passer un sentiment fugace, qui étreint le temps d'une chanson sans que l'on n'arrive à le définir avec précision - un genre de madeleine de Proust, riche mais pas bourrative, dans laquelle on revient mordre avec plaisir.



MATT WARD Hold time (Clip 2009)