Bien que Lee Ranaldo n'en soit pas à son premier disque sous son nom, sans compter les dizaines de collaborations à son actif, on porte une attention particulière à ce "Between the times and the tides" depuis que Sonic Youth n'est plus (?) après presque trente ans d'activité.
Dès "Waiting on a dream", la signature des guitares de Ranaldo est immédiate : c'est souvent lui qui traçait des lignes claires et mélodiques au plus fort de la dissidence sonique des Youth. Avec ce disque en solo, il s'expose ; mais c'est d'explosions que l'on manque ("Shouts"). Au fil de l'écoute, on est assez surpris par le parfum de classic-rock qui se dégage : un clavier seventies à la Booker T. balance bien "Angles", dans laquelle on aime aussi le croisement indéfinissable entre les sonorités analogiques ou électroniques des instruments ; le refrain americana de "Fire island (Phases)" nous cueille à l'improviste, pour ce qui ressemble au final à un mix bizarre entre "Smoke on the water" (Deep Purple) et du folk chromé ; et pour finir, de la pedal steel guitar sur "Stranded". "Between the times and the tides" est découpé à l'ancienne, avec deux titres acoustiques servant de pause : "Hammer blows" et "Stranded" qui manquent quand même un peu de coffre.
Lee aborde les sept minutes de "Xtina as I knew her" avec l'expérience des échappées à bride abattue. Il y est accompagné par Nels Cline (Wilco) au style de guitare heurté, qui disserte télégraphiquement sur les accords de la chanson. D'autres visages familiers de l'entourage Sonic Youth apportent leur concours, Jim O'Rourke ou le pilier Steve Shelley (batterie).
Comme Ringo Starr dans les Beatles (ou Charlie Watts pour les Stones), Lee Ranaldo dispose d'un fort coefficient sympathie : à cinquante balais bien sonnés il sort un disque à la fois humble et discrètement nostalgique, un peu monochrome - Lee n'est pas un interprète renversant - mais vif et sincère.