| | | par Sophie Chambon le 25/04/2001
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| Mal Waldron a le triste privilège d'avoir accompagné parmi les derniers Billie Holiday en 1957. Et Jeanne Lee, cette année à Vienne et à Marciac. Difficile de l'oublier en écoutant "After hours", enregistré en mai 1994 à Paris. Avec élégance, sans affectation, dans un registre grave, Jeanne Lee a un plaisir réel à dire le texte des standards (Duke Ellington, Cole Porter, Rodgers & Hart) ou les propres titres du pianiste : souveraine sur toutes ses compositions, elle sculpte les mots en harmonie avec le jeu sobre, intense de Mal Waldron, fascinant par la rythmique répétitive de ses improvisations. Voix troublante par le timbre grave, sans être rauque, elle distille ces phrases avec une musicalité singulièrement intelligente. "You go to my head" n'est pas une pâle reprise de la version incontournable de Billie Holiday, tant elle déplace le phrasé, de façon dansante, légère. Sans le désespoir ou la mélancolie de Lady Day. Une approche différente donc. Elle caresse les textes autant qu'elle les chante. Au plus près de leur chair. Sur un tempo autre. Elle modifie les voicings, saisit la progression harmonique des accords à la manière d'un pianiste. Allant jusqu'à scatter, mariant élégamment les gutturales à la suavité des labiales. Le dernier titre de ces "After hours", où l'on vit autrement les heures de la nuit, dévoile dans un souffle, son adieu dans le Cole Porter "Everytyme we say goodbye, i die a little". C'est exactement la subtile différence qui existe entre mélancolie et tristesse, et qu'elle magnifie à chaque fois qu'elle l'interprète : histoire de ne pas se dire "adieu" mais seulement "au revoir". |
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