"Landfall"
est le résultat de la collaboration (au départ scénique, en 2015)
entre deux poids lourds de la scène artistique depuis des décennies
: Laurie Anderson, versée dans le multimédia (performeuse,
photographe, vidéaste…), auteure d'un hit en 1982 (le vocoderisé
"O superman" dont l'aura culte reste pour nous une énigme)
et le Kronos Quartet, quatuor à cordes formé en 1973, spécialisé
dans la création d'œuvres de musique contemporaine, et qui a croisé
la route de nombreux artistes de la pop culture musicale (David
Bowie, Björk, Tom Waits, Mogwaï…).
Entre eux, la férue
de technologie Laurie Anderson a interposé un concept (on touche à
l'art contemporain) : un logiciel conçu au départ pour un alto
seul, mais recalibré pour le quatuor, et qui transforme les sons de
ce dernier en textes, avec en plus un "optigan" (on se
croirait dans un des films "Transformers"), clavier qui
utilise des données stockées dans un disque optique. Bref, on n'a
rien compris.
Le résultat est un disque d'une trentaine
de plages pour l'immense majorité instrumentales, et donc portées
par le seul Kronos Quartet. Elles sont majoritairement courtes.
Laurie Anderson parle sur quelques titres (Laurie
Anderson ne chante pas), avec en fil rouge pour lier le tout
des méditations, parfois rêveuses, sur l'ouragan Sandy qui a frappé
New York en 2012. L'ensemble se voudrait constituer une sorte
d'élégie, un long chant (plus d'une heure) à la fois funèbre et
cosmique sur cette catastrophe naturelle, et le sentiment de
désolation qui a submergé ceux qui l'ont vécu.
Le
tragique et l'émotion ont du mal à pointer le bout de leur nez. On
se sent comme l'observateur impuissant qui doit se contenter de
regarder l'eau monter, sans rien pouvoir faire d'autre. Il ne se
passe pas grand-chose dans ces compositions assez étales, sans
vraiment de thèmes mélodiques marquants (sauf "The water
rises" au tout début). Concernant Laurie Anderson, on ne
s'intéresse pas vraiment à ce qu'elle raconte, elle pose sa voix
sur l'accompagnement de première classe du Kronos, qui se confronte
timidement à quelques beats électroniques à partir de "The
dark side".
"Landfall"
est peut-être un bon disque de Laurie Anderson, mais un très moyen
du Kronos Quartet ; pour un projet qui trouve son origine dans un
ouragan, il brasse au final beaucoup d'air.
LAURIE ANDERSON & KRONOS QUARTET The water rises (Clip 2018)