| | | par Sophie Chambon le 29/12/2000
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| Time 4 change est la dernière aventure de Laurent De Wilde, saisi d'une furieuse envie d'électronique. Visiblement, le pianiste élevé à l'américaine, voulait éviter de tomber dans le revival, aussi brillant soit-il, dans la lignée d'un Marsalis par exemple. Son projet est de faire le pont entre les styles du passé et la technologie d'aujourd'hui. Il cite les influences qui alimentent sa mémoire vive et non nostalgique : le groove d'Herbie Hancock (période Headhunters), déjà sur Fender Rhodes dans les années 70, les tripotages et mixages chers à Miles (période électrique "On the corner") dont la trompette de Flavio Boltro se souvient aussi. Et bien sûr, dès le premier titre, avec la reprise du "Shuffle boil", Laurent 2 Wilde rend encore une fois hommage à Thelonius Monk, le seul qu'il ne puisse vraiment oublier (lire son livre magnifique qu'il a écrit sur lui). Seulement De Wilde veut servir autrement la musique qu'il aime, le jazz, en jouant de la modernité : samples, boîtes à rythme, delays, palettes et espaces sonores démultipliés, sons que l'on peut tordre à plaisir, voix parlées, chantées, drums employés autrement. Dans cette approche expérimentale, tout y passe : jungle, drum&bass, dubs. Mais la sauce prend-elle en touillant tous ces ingrédients ? Ces musiques nouvelles constituent l'un des univers des possibles en train de se faire si l'on apprécie Erik Truffaz , St Germain, ou le dernier Julien Lourau, le néosaxo au son plus électro. Cette musique est un peu trop cadrée. Elle lamine, sans heurt impromptu, sans improvisation, sans peur, hélas plus proche du patchwork que des collages. Les titres souvent humoristiques, "Don't axe me" ou "Blues in the background", font référence à cet ailleurs "Out of nowhere". Oui mais quel ailleurs ? "Yesterday is history, tomorrow is a mystery, today is a gift"... prononce la voix sensuelle de Dana Bryant dans le titre justement appelé "The present". Comme on aimerait être convaincu de ce "bel aujourd'hui" ! Car si les programmes synthétiques et technos peuvent actuellement tout reproduire, jusqu'au réel avec ses pannes, ses glissements, ses ralentis et tous les effets de corps, c'est justement de corps que "Time 4 change" manque singulièrement, en particulier les richesses percussives et mélodiques des rythmes. Sauf quand justement Laurent joue, car il est un formidable musicien. Alors sans vouloir le voir revenir à la formule plus classique du trio piano-basse-batterie, qu'il a intelligemment explorée et tout en comprenant sa tentative de réorientation-adaptation, souhaitons-lui une poursuite plus chaleureuse, moins électronique et intellectualisée. |
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