Paradigmes

La Femme

par Jérôme Florio le 24/07/2021

Note: 1.0    

Dans le film "Big" (1988), un pré-adolescent fait le vœu de grandir et se retrouve subitement coincé dans un corps d’adulte (Tom Hanks) : c'est sans doute ce qui est arrivé à Sacha Got et Marlon Magnée sur leur troisième disque – sinon, impossible de trouver une explication à ces textes cucul-la-praline et à ce goût pour la transgression de quatorze ans d’âge mental.

On est tout d'abord un peu affligé par les clichés Us de "Cool Colorado" et le disco-punk pipi-caca à la Plastic Bertrand sur "Foutre le bordel". La Femme ne fait paradoxalement pas de cadeau à ses chanteuses (Alma Jodorowsky, Ariane Gaudeaux et Clara Luciani) en leur donnant des textes impossibles ("Je SUCE… le sang de mon prochain", sur "Le sang de mon prochain") ou complètement neuneus ("La Nouvelle-Orléans"). Dans cette ambiance prépubère, la femme est une succube, une déesse dominatrice (la moqueuse prière SM de "Divine créature"), un vampire ou un fantasme de collège ("Pasadena").

Avant La Femme, personne n’a eu l’idée de croiser Giorgio Moroder avec Ennio Morricone ("Lâcher de chevaux" avec hennissements et cantatrice à la Catherine Ringer), ou de débiter un monologue pseudo-philosophique sur du New Order ("Disconnexion", avec le retour de la cantatrice plus un banjo sorti de "Délivrance" (John Boorman, 1972) : il devait y avoir une bonne raison. A ce stade on se sent dans la peau de Louis de Funès dans "L'aile ou la cuisse" (1976), forcé d’ingurgiter des plats aux associations inédites et qui auraient mieux fait de le rester.
Cependant dans "L'aile ou la cuisse", il y a aussi Coluche : on se prend soudainement le côté farcesque en pleine poire sur "Foreigner", digne d'un élève qui ferait exprès de saborder son exposé oral d'anglais ; plus loin sur "Le jardin" c'est le prof d'espagnol qui est prêt à faire un burn-out. "Force & respect" est un grand méli-mélo de n'importe quoi (la cantatrice, encore) en à peine deux minutes. Au contraire de de Funès, on commence à prendre un certain plaisir masochiste à cette tambouille électro-pop.

C'est en toute fin de parcours que Marlon et Sacha arrêtent deux secondes de faire les kékés et balancent une jolie chanson, la souple et naïve "Va". Un peu plus et on allait se mettre à bien l'aimer, ce "Paradigmes" en forme de méchant sabordage moins hilarant que consternant.



LA FEMME Le sang de mon prochain (Clip 2021)