Kevin Coyne, 1944-2004 : un sacré personnage, qui a commencé par enregistrer avec le groupe Siren pour le compte du tout jeune label Dandelion de John Peel (célèbre DJ anglais de la radio BBC1). Ses influences de jeunesse, comme pour beaucoup de jeunes anglais fascinés par le rock et le revival blues, étaient américaines : Little Richard, Fats Domino, Chuck Berry, Muddy Waters… Pendant plus de trente ans, Coyne n'aura de cesse de tordre ce langage et d'en faire quelque chose de très personnel et singulier.
A ses débuts avec Siren, sa voix puissante et rocailleuse permettait de le compter dans les rangs des hurleurs rock blancs à la Roger Daltrey (The Who), Robert Plant (Led Zeppelin) ou Van Morrison (Them). Accompagné par Dave Clague (guitare), Nick Cudworth (pianiste) et une section rythmique, Coyne joue un blues-rock très physique : on perçoit déjà une inspiration furieusement bancale, à la fois triviale et tordue ("Asylum") - il fera plusieurs dépressions nerveuses au cours de sa vie. Kevin Coyne infuse une sacrée énergie aux formes canoniques du rock (rock'n roll, blues, boogie), qu'il boulotte avec un appétit monstre et une technique toute particulière à la guitare, jouée en accords ouverts. Au sein de Siren, il tente aussi quelques arrangements, par exemple la flûte sur "Wake up little children" (popularisée dans le rock par Ian Anderson de Jethro Tull).
Il y a dans la musique de Kevin Coyne une bonne dose d'humour bizarre : il peut chanter jouissivement n'importe quoi ("Gardenia man"), et plus tard sa carrière solo le verra affiner son univers poétique et hirsute (un aperçu avec "Sheke my hand"). "Bertha Lee", "Mandy Lee", ses personnages féminins annoncent son classique "Marjory razorblade" (1973). De plus, Kevin semble avoir une fascination toute Fellinienne pour les femmes bien en chair (les tordantes "Hot potato", "Fat moaning Minnie", dans le genre "t'es moche casse-toi").
La lancinante et onirique "White horse" - une allusion à la poudre ? - fait penser à un Daniel Johnston athlétique, un autre "Mad boy" qui comme lui s'est frotté à une folie pas forcément douce. "The Dandelion years" pose les bases d'une œuvre encore méconnue, dont l'écoute est systématiquement revigorante.
KEVIN COYNE - I want my crown (live at BBC TV Studios, 1973)