| | | par Olivier Santraine le 08/01/2002
| Morceaux qui Tuent Ma langue au chat Je vous emmerde Mon meilleur ami est un chien Le pyjama de soie
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| On avait laissé Philippe Katerine publiquement reconnu et presque déposé aux portes de la gloire avec ses "Mauvaises fréquentations", un disque de cha cha cha 'easy listening', très bien. Il était alors considéré comme un nouveau de la chanson française, moins obscur que Dominique A, plus sobre que Miossec, presque trop lisse peut-être. Aujourd'hui, avec un album bicéphale, il adresse un "Je vous emmerde" à tous ceux qui le voyaient déjà en haut de l'affiche (pas le meilleur moyen de passer à l'Olympia...). Il y proclame d'une voix saoule "je suis un poète et je vous emmerde" et il faut le croire.
Album bicéphale, comme un vieux vinyle et ses deux faces, "Les créatures" et de l'autre côté "L'homme à trois mains". "Les créatures" est le plus expérimental, sombre et introspectif que Katerine ait écrit jusqu'ici. De vastes descriptifs de son ordinaire succèdent à des relations troubles avec des animaux. Voyage en train triste vers le Nord, non bilan de la vie, histoire d'amour avec un poulet ou un chien (son meilleur ami), le tout sur des mélodies bancales, déconstruites (ou pas construites du tout), avec des guitares, des cuivres, bref un peu de tout. La première écoute fait autant d'effet que caresser un hérisson, puis on s'attache à ces chansons terriblement personnelles, à l'entendre raconter sa vie (son appartement à Paris, son bar tabac rue Lepic, la parallèle à la rue des Martyrs...). Des créatures donc, les siennes finalement, ses angoisses, ses folies, sa part d'ombre.
Il y a aussi cette manie de tout dater et de tout situer, comme si désormais, les chansons de Katerine s'inscrivait dans l'Histoire, qu'elles étaient l'expression de la réalité. Un premier disque moins grave que "Freaks" mais loin de la béatitude habituelle. Ensuite, la face B, "L'homme à trois mains" est plus conventionnelle, ressemble à du Philippe Katerine, mais en plus fripon, taquin et provocateur. Si c'est lui l'homme en question on se demande à quoi peut bien lui servir ce troisième membre. A jouer de la guitare sur les chouettes mélodies tout en bois ? A des jeux coquins sur un titre dédié à la masturbation ? A faire des bras d'honneur à tous ceux qui l'emmerdent ("un salaud, un beau dégueulasse, un escroc et une peau de vache" sur "Ma langue au chat") ou à devenir plus séduisant comme sur "Le pyjama de soie" ? Le tout est entrecoupé de délires mélangeant cris, phrases stupides et enregistrement médicaux (!).
Sur les deux faces, on navigue de surprise en étonnement, du rire surréaliste à la sinistre description d'un clochard, de la chanson toute simple aux mélodies expérimentales. D'ailleurs, comme pour absolument ne pas faire comme tout le monde, Katerine a inséré le morceau caché (qui parle de sa mort) au DÉBUT du premier disque. Sur la pochette, l'homme est nu comme un ver, pour nous rappeler qu'il devient de plus en plus difficile à déshabiller ou uniformiser. Un album étonnant, attachant, son meilleur évidemment. Tout ceux qui n'aiment pas sont des cons et Katerine les emmerdent mielleusement. |
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