Joost Swarte, enfin ! Pour ceux qui ne le connaitraient pas, il est néerlandais, né en 1947, dessinateur illustrateur pilier de l'underground de son pays (comme dans une moindre mesure son alter-ego belge Ever Meulen) depuis la fin des années soixante-dix. Héritier spirituel de Hergé dont il reprend le dessin épuré et linéaire, il est à ce titre gratifié d'inventeur de la dite ligne claire, et influenceur de toute une école de BD européenne (en France le regretté Ted Benoit).
Héritier sur la forme, mais révolutionnaire sur le fonds, en phase avec la contre-culture occidentale bouillonnante, particulièrement à Amsterdam son paradis libertaire européen des 70's. Simplifions à
l'extrême : influencé au départ par ses ainés Robert Crumb
et Willem - sans oublier Robert Mallet-Stevens pour l'architecture, omni-présente chez lui - Joost Swarte fait du Hergé trashspeedé : dans ses vignettes, on fume, on boit, on crache, on trucide, on baise, on se shoote et on dégueule, mais sans jamais se départir de
poésie et surtout d'humour, fût-il abrupt.
Membre du collectif Real Free Press, il fonde en 1971 la revue Modern Papier, puis en 1973 Aunt Leny et CocktailComics, écrit pour les enfants "Cotton etPiston"puis "Ric et Claire" en collaboration avecWillem, et son premier véritable album "L'art moderne" parait en 1980 en France chez Futuropolis. Prolifique (portfolios,cartes postales, affiches, ex-votos, timbres pour la Poste des Pays-Bas, Raw Magazine, papier à rouler porno), Swarte a par ailleurs toujours été proche de la musique, réalisant nombre de pochettes ou de logos de labels dès 1979 : LP des Rousers, de Rock Rally, Humo, Houseband, Fay Lovsky, Pascal Comelade... les logos des labels Muncho, Torso, Real Free Press et Lucho, des affiches de concerts ou de festivals, Torhout et Werchter, Rock Rally, Nancy Jazz Pulsations 1982, Transmusicales de Rennes 1984...
Aussi doué dans l'art ardu du dessin de presse que son aîné Willem (oeuvrant quotidiennement pour le Libération actuel), Swarte s'est vu proposer en 1994 la charge prestigieuse de la couverture de l'hebdomadaire américain The New Yorker (Sempé avait connu le même honneur) et plus de vingt ans plus tard il y est toujours !
Cette partie de son oeuvre est l'objet de ce livre paru chez Dargaud, bien évidemment pas exhaustif, mais riche en reproductions. Chacune d'entre elles démontre le talent phénoménal de cet homme, son paradoxe même : être aussi prolifique et pourtant parvenir à rendre chaque création imaginative, drôle et perchée, tout en ayant toujours du sens et en étant surtout unique. Elargi à l'ensemble de son oeuvre, le constat est limpide : Joost Swarte est un génie.