| | | par Hugo Catherine le 16/10/2004
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| Jono El Grande et ses neuf souffleurs, frappeurs, frotteurs transvasent une chaude effusion au royaume du grand Nord. Loin des phases musicales lunaires, des plages minimalistes venteuses, laissons-nous happer par une composition toute frétillante. Dès le prologue, l'alternance maîtrisée des soubassements des cordes et des roulés-boulés des xylophones délivre une allure douce-amère, entre jovialité exagérément rutilante et délicatesse légèrement kitsch. De bout en bout, l'album tient au plus haut la coordination allante des cuivres, flûtes, percussions, cordes et pianos grâce à une écriture musicale qui impressionne par l'aboutissement des superpositions instrumentales : toujours à la fois dynamique, cumulative et hautement nuancée.
Les thèmes courent avec fulgurance, le flot est immédiatement positif. L'absence de conformisme rythmique, malgré un entrain toujours renouvelé, sert le phrasé des vents qui mènent la danse au plus près de la gaieté musicale. Au plus près seulement, car subsiste toujours en creux une humeur de léger macabre, sans que nous sachions bien ce qui impulse à un panorama sonore si allant cette sorte d'infime noirceur. C'est ainsi que le charme opère dans "Centrifuge in d minor" où la marche des instruments est tout à la fois joyeusement salvatrice et subtilement brinquebalante. Ce morceau opère telle une pièce classique, tout en mouvements et nuances ; il traite d'une matière qui s'emballe, puis se replie de façon passagère, avant que la boîte à musique ne se remette en branle.
Les enchaînements du Jono El Grande Orchestra se meuvent dans une pondération à forte consonance latine. La formation musicale, de taille moyenne, extirpe les vertus d'écriture du grand orchestre sans pour autant renier l'immédiateté vitalisante des groupes de taille réduite. Le résultat agit telle une extrapolation orchestrale d'expériences de type jazz ou musiques nouvelles comme celles par exemple des formations de Laurent Dehors ou Youval Micenmacher. A l'image de ces deux musiciens, la création de Jono El Grande prend la forme d'une foire, qui, si elle n'a plus rien de rurale, n'en demeure pas moins brute, rustique, enjouée et, dans le cas présent, brillamment arrangée. En effet le travail de Jono El Grande est magnifique de par ses compositions et sa présence discrète à la harpe ou la guitare.
Ainsi, la fougue ambiante n'entache en rien la précision des arrangements. La musique de cet album est posée, la composition nous libère de toute complication émotionnelle, seul subsiste un flot musical ultra-positif. Il s'agit d'une véritable simplicité jouissive en guise de ferveur orchestrale et loin de toute lapalissade musicale. Le flot est si chaud, si direct que les esprits chagrins lui reprocheraient sûrement de pécher par excès de gentillesse, voire de simplisme. Mais pourquoi ne pas s'emballer à l'écoute de cette joyeuse danse libérée de tout technicisme, de cette sucrerie sonore sans arrières-pensées, de cette expulsion frétillante ? Une fable réjouissante qui nous fait dire oui plutôt que non, n'est-ce pas là un aboutissement sensuel et orchestral ? |
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