Spirit power - The Best Of Johnny Marr

Johnny Marr

par Jérôme Florio le 10/12/2023

Note: 5.0    

‘I saw Johnny Marr live in person, with The Smiths. He was light on his feet; like quicksilver. He caused the band to swing like crazy. And he smoked his cigarette like a star. I’ve been influenced ever since.’ Iggy Pop 

Que faire quand on a déjà donné le meilleur à tout juste 23 ans (l’âge de Johnny à la séparation des Smiths, en 1987) ? Et, question subsidiaire : que sont devenus le swing, la vélocité contagieuse de Johnny Marr, évoqués avec justesse par Iggy Pop ?

Johnny Marr restera à tout jamais comme le magnifique guitariste et co-compositeur des Smiths (le tandem d’écriture Morrissey/Marr), qui a remis au goût du jour un son sixties jingle-jangle carillonnant, clair et mélodieux – comme un cri de ralliement en réaction à la pop synthétique des années 80. Force est de constater que Marr fait figure d’exception chez les musiciens guitaristes de sa génération, ceux qui ont connu la gloire dans les années 80 : Will Sargeant (Echo & The Bunnymen), Maurice Deebank (Felt), John Squire (The Stone Roses)… aucun n’a connu une carrière à la hauteur de ce qu’ils ont atteint avec leurs groupes respectifs. 

Après le split des Smiths, Johnny Marr a tout d’abord joué les mercenaires (chez les Pretenders, Talking Heads, The The...), ou entamé quelques collaborations plus durables (Electronic avec Bernard Sumner de New Order, Modest Mouse). Ses quelques tentatives de production (Marion, en 1998) ou de groupes (The Healers) n’ont pas marqué les esprits. Il semble maintenant avoir trouvé la bonne formule, ce que démontre ce "Spirit power" compilant la carrière qu’il poursuit, avec succès, sous son seul nom avec quatre disques depuis "The messenger" (2013) . Cette carrière solo entamée sur le tard lui confère une certaine fraîcheur. Marr capitalise enfin sur la cote de respect inentamée dont il jouit chez ses pairs (à l’inverse de Morrissey, devenu tricard, infréquentable), depuis les frères Gallagher (Oasis) jusqu’aux clients du pub du coin à Manchester, sa ville natale et berceau des Smiths. Quand un artiste passe en ville (par exemple PJ Harvey récemment), il est de bon ton de l’inviter sur scène… Johnny Marr est régulièrement convié à fouler les planches des stades par des gros groupes comme The Killers, The Pretenders, Blondie ou encore Alicia Keys… à Hollywood, il collabore avec le compositeur-star Hans Zimmer (la B.O. d'un James Bond, "Inception" de Christopher Nolan).
 
L’expérience des grandes scènes et des collaborations XXL semblent dicter sa nouvelle manière de composer : priorité aux riffs et gimmicks efficaces. La quasi totalité de "Spirit power" est donc bien banale, à tous les niveaux : textes, chant, écriture… et même le jeu de guitare, que rien ne distingue plus vraiment d’un guitariste pop-rock lambda, et pas forcément mis en relief par un son trop riche. Les titres des quatre disques sont mélangés, ce qui n’est pas gênant car ces derniers ne semblent pas foncièrement différents les uns des autres. Telle chanson sera du disco rock pas très finaud ("Armatopia", "Easy money", "Upstarts", "Sensory street") ; telle autre pop rock avec un effet signature, et même des autocitations de l’époque des Smiths ("New town velocity", "Hi hello", "European me"…) ; ou bien de l’électropop à la Depeche Mode ("Spirit power and soul"), dont il reprend par ailleurs "I feel you". Marr se permet de laisser libre cours à son attrait pour les sonorités new wave ou électroniques, ce qui était formellement interdit par l’ayatollah Morrissey.

"Spirit power" est une compilation qui expose la réussite de son auteur, qui fait partie du gotha des musiciens rock internationaux. Rien d’infamant là-dedans, mais on a perdu quelque chose dans l’affaire... Le Johnny Marr qu’on aime vraiment, il se trouve ailleurs, sur les disques des autres, dans une compilation bis qui n’existe pas : Talking Heads ("Nothing (but) flowers"), plusieurs chansons de Kirsty MacColl, The The ("Slow emotion replay")... En tout cas, "Spirit power" est une compilation plutôt franche du collier, qui remplit son office.



JOHNNY MARR Somewhere (Clip 2023)