En route

John Scofield

par Sophie Chambon le 31/10/2004

Note: 9.0    

Enregistré en live en décembre dernier au Blue Note de New York, "En route" renoue avec la plus pure tradition d'un jazz "straight ahead", rayonnant, un retour à l'acoustique où la guitare de John Scofield conduit le bal, entourée de deux sacrées pointures, ce vieux briscard de Steve Swallow, impérial pilier du groove à la basse (écoutez le dans "Name that tune") et ce jeunot de Bill Stewart qui entraîne tout sur son passage de son drumming explosif, puissant autant que précis.

Avec une maîtrise singulière que souligne une rapidité vertigineuse, Scofield ne la joue pas "guitar hero", ou alors sans l'emphase tapageuse du rock, mais ça fonctionne tout autant. S'il continue à jouer des standards comme Alfie*, c'est qu'il les réinvestit à la recherche d'idées nouvelles . Il ne se lasse pas de reprendre ces formes traditionnelles et de les explorer. Avec humour, il s'avoue encore fragile, "jeune" guitariste qui continue à apprendre. Par ailleurs, ayant joué de la musique funk toute sa vie, il est toujours en recherche, avançant dans l'instant, sans renier certains repères (blues et rock) mais en ne se fermant pas aux expériences et aux divers styles. Ce qui explique sans doute que son jeu ait gardé cette fraîcheur, cette vivacité et qu'après un nombre impressionnant d'albums, il arrive encore à surprendre. De "Wee" thème bop du batteur Denzil Best (connu aussi comme "Allen's Alley") qui revigore instantanément, à l'extraordinaire final "Over big top" sur plus de onze minutes, où Scofield reprend, en le magnifiant encore, le thème "Big top" que l'on entendait sur son "Groove elation" de 1995, c'est à un véritable feu d'artifice que nous convie ce trio génial : intelligence musicale, brio dans l'enchaînement des compositions, aucun temps mort jusqu'au bouquet final. Un régal ! Et en plus, en vrais professionnels, les trois compères confirment qu'un jazz classique "actualisé" peut faire entendre sa voix et son histoire.

*La BO du film de Lewis Gilbert Alfie permettait en 1966 à un Sony Rollins étincelant, d'autant plus percutant qu'il était servi par l'arrangeur Oliver Nelson, de donner une version époustouflante de cette composition romantique de Burt Bacharach