En 2020, Jorma Kaukonen a fêté ses 80 ans. Un chiffre un rien troublant pour les fans éternels du Jefferson Airplane, dont il illuminait les oreilles de sons inconnus, venus d'ailleurs depuis les sixties de San Francisco, du Fillmore et de l'Avallon, en porte-drapeau, avec ses voisins de quartier Jerry Garcia et John Cipollina, de la révolution psychédélique californienne.
Jefferson Airplane donc, puis le Hot Tuna de ses premières amours, le blues, électrique, mixte, puis de plus en plus acoustique, dans des salles de plus en plus petites, au plus près de l'âme de la musique, comme en quête d'un graal. Jorma Kaukonen n'en a toujours fait qu'à sa tête, balançant le succès par dessus bord (l'Airplane en 1972), un rien tête de mule donc, mais toujours absolument intègre, souvent suivi sur ces chemins par son compère bassiste de toujours Jack Casady. Depuis une quinzaine d'années, il a quitté la Californie pour l'Ohio, et un ranch solitaire en pleine nature, le Fur Peace Ranch, où il vit retiré et organise des master classes de guitare (heureux élèves américains !).
Avec John Hurlbut, un autre de ses vieux amis, guitariste comme lui, ils se sont assis sur des billes de bois et sur les rythmiques de John, Jorma a inséré ses solos vifs et subtils. Une "conversation" comme il dit. Beaucoup plus folk que blues - sérénité faisant loi - sans "classiques" du genre, la musique est calme, apaisée, sereine, deux faces de ballades lumineuses, uniquement des reprises : "Ballad of Easy Rider" de Roger McGuinn (de la BOF du même nom, jouée alors par The Byrds), "People get ready" de Curtis Mayfield, "Travelin" et "The old homestead" de Spencer Bohren (on se réjouit que ce guitariste hors-pair soit ici doublement reconnu), "Across the borderline" de Ry Cooder ou encore "Kansas City Southern" de Gene Clark, bien différent de la version qu'avait popularisé Pure Prairie League (LP "Two lane highway" RCA 1975).
Au (presque) terme d'une vie longue, passé par toutes les scènes et tous les excès, Jorma Kaukonen semble définitivement posé sur le perron de son ranch. Il y fait ce qu'il a toujours su faire : faire résonner une guitare (sa Gibson J-50 de 1958 comme il tient à le préciser, celle-là même utilisée pour "Embryonic journey" avec l'Airplane et pour l'intégralité du premier Hot Tuna). Immergé dans une musique lumineuse et simple, persuadé d'être dans la vérité et ce quoi qu'il advienne, y compris le terrible orage qu'annonce le ciel noir de chez noir de la pochette.
(En Cd et également en très belle édition Lp vinyle rouge à l'occasion du Jour des Disquaires)
JORMA KAUKONEN The ballad of Easy Rider (Audio seul 2020)
JORMA KAUKONEN Kansas City Southern (Audio seul 2020)