Across the sea of suns

Jefferson Starship

par Francois Branchon le 21/02/2003

Note: 1.0    

De mauvaises langues prétendaient au début des années soixante-dix que Paul Kantner était un mutant. Fasciné par la SF il se serait fait greffer une puce dans le cerveau, qui expliquait ces fils métalliques dépassant de sa tête... C'est beaucoup d'honneur. Dans Jefferson Airplane, Paul Kantner n'était en fait qu'un accessoire, il faisait son boulot correctement, joliment même - belle guitare rythmique 12 cordes, des backing vocaux bien sonores - mais dès qu'il prenait les rennes, lourd comme l'enclume, il ne devait qu'à la qualité de l'acide de San Francisco de laborieusement décoller. A partir de 1970 et la scission interne entre lui et les "musiciens" (Kaukonen et Casady) les deux clans apportent chacun leurs chansons aux albums de la dégringolade ("Bark", "Long John silver" et "30 seconds over Winterland"). Et le split consommé en 72, Hot Tuna installé, que restait-il de JA ? Rien. Ou si, le Jefferson Starship. Je n'ai jamais aimé le Jefferson Starship, sauf ses deux premiers albums, exceptionnels, des oeuvres collectives rassemblant tous les musiciens de la Baie. Mais dès qu'il devient la chose de Maître Kantner, il n'offre que compositions pauvres et lourdes, un rock Fm boursouflé, où la présence épisodique de Grace Slick et Marty Balin entretient l'inertie affective du passé auprès du "grand public" que touchait l'Airplane sur sa fin. Et aujourd'hui ? Paul Kantner, andropausé, ne compose plus, le Starship est formé d'inconnus, d'anciens groupies montés à la lumière, un gardien de bestiaux en guise de guitariste et un Marty Balin, survivant fatigué aux allures de raëlien. Mais surtout, on tombe fou de rage en entendant ce petit monde jouer, mais oui, les chansons de l'Airplane. Il existe de nombreux groupes, spécialisés dans le répertoire d'un groupe célèbre, si possible mort. Des clones des Beatles, d'Hendrix ou des Doors sillonnent l'Angleterre et les Etats-Unis dont ils remplissent les salles. Pourquoi pas. Mais là, le Jefferson Starship s'approprie ses ancêtres, une sorte d'inceste qui met mal à l'aise. Qui plus est insipide. Car ces musiciens sans personnalité jouent les perroquets photocopieurs, s'appliquent à reproduire une musique qui n'est pas la leur, récitent des notes apprises avec la mission évidente de sonner "comme Kaukonen", de monter en aigu "comme Slick". Des photocopies floues et sans vie de morceaux jadis emblématiques, dépouillés aujourd'hui de leur contexte, de leur âme et de leurs créateurs. D'autres dinosaures sévissent encore, Stones, Quicksilver, Steppenwolf ou Grateful Dead jusqu'à la mort de Garcia, mais au moins offrent-ils la VO. Imagine-t-on Bill Wyman jouer les morceaux des Stones avec des doublures de Jagger et Richards ? La vieillesse est un long naufrage... Ce Jefferson Starship est une trahison à la mémoire de Jefferson Airplane, et Grace Slick doit bien regretter aujuord'hui ses notes de pochettes complaisantes (où une demi-page est consacrée à remercier les fournisseurs de guitare, de micro, de pied de cymbales...). On ne tire pas sur une ambulance dit-on, pas de scrupule, il s'agit ici d'un corbillard.