| | | par Sophie Chambon le 23/04/2004
| | |
| Voici enfin un album qui émerge du marais où s'enlisent peut-être beaucoup de productions actuelles : éclat, tranchant, aspérités, "Tropismes" s'avère engagé et même dérangeant à la première écoute par certains aspects stridents, dissonants, volontairement exacerbés. La parodie n'est pas souriante ("Parade parodie") et quelque chose résiste dans cette musique superbe de bout en bout, vibrante, sans la moindre compromission, enregistrée parfois non sans rugosité : le principe même du jazz.
Ils sont cinq, de générations différentes, réunis autour des compositions irisées de Jef Sicard. Commençons par les deux "F" François Laizeau et François Méchali, vieux complices d'une section rythmique terriblement efficace, prenante et présente d'un bout à l'autre de l'album ("Au fil de la paix", "Danse tropique"). La nouvelle génération de souffleurs, si elle apporte du sang neuf aux échanges, s'accorde aussi parfaitement aux intentions du saxophoniste poly-instrumentiste, toujours en recherche d'un timbre, d'un son, d'une couleur : "Un grain différent, c'est déjà pour moi une idée musicale à traiter". D'où cet intérêt (déjà ancien) pour les conques qu'il partage avec Sébastien Llado (trombone généreux et élégant des Spicebones comme de l'ONJ) et Nicolas Genest (trompette et bugle).
Peu de solos mais trois souffles à l'unisson : les voix se mêlent, se tordent, se prennent dans un discours qui nous rend sensible à cette configuration structurée de contrepoints mélodiques et rythmiques. Un disque (de jazz) indifférent aux modes, exalté et exaltant : cela joue vite, nerveusement, avec intensité ("Main à main"). Peu de répit avant le blues final, "Sud profond" délicieusement moite et lascif, qui célèbre le chant nostalgique de certains clarinettistes du delta.
Avec cet album, on plonge au cur de ces "tropismes" libérateurs qui flirtent avec "Tropiques", de l'effervescence à l'apaisement. |
|
|