Rebirth

Jean-Philippe Muvien

par Sophie Chambon le 15/04/2008

Note: 8.0    

Avec ce troisième album de la série Allgo du label Allgorythm qu'il a lui-même créé, (après "Air libre" en sextet et le "Trio live" avec Humair et Celea) le guitariste sudiste Jean Philippe Muvien franchit un seuil, et parvient à une nouvelle étape de son évolution.

Artiste sensible, il touche, dans ce "Rebirth" bien nommé, à la sérénité et à une certaine plénitude, avec un quartet acoustique qui lui permet d'explorer les ressources du piano pour la première fois. Et Bruno Ruder, que l'on retrouve aussi dans le Magma actuel, est d'ailleurs pour beaucoup dans l'inflexion sentimentale, délicat mélodiste contribuant à la fluidité des ballades. Avec Muvien, les amateurs de guitare sont heureux, tout simplement : sans énergie rageuse, il se joue sans effort apparent de tous les styles, et sa décontraction élégante cache une maîtrise admirable de l'instrument. Ce n'est pas par hasard que le "Four on six" d'un de ses héros Wes Montgomery est l'un des titres les plus convaincants de l'album, des plus électrisants.

"Rebirth" éloquemment, ne se situe pas aux confins d'un jazz avant-gardiste, en pleine expérimentation électronique, ne va pas spécialement sur les terrains du rock, comme il avait pu nous habituer, mais revient un peu à contre-courant, en terrain connu, dès le premier titre. Classique dira-t-on. Oui, mais sans nostalgie. Il y a un réel bonheur dans les tempos, un pur désir de swing dans les propres compositions du guitariste, dont celle, tout à l'image de son mentor, à laquelle elle est dédiée, Daniel Humair accompagné de Lucille, son expansive épouse. Quand il reprend "The night has a thousand eyes", thème d'un film de 1948 qui fut immortalisé par Horace Silver ou Sonny Rollins, sa version tient la distance avec un instrumentarium certes différent. Jean Philippe Viret à la contrebasse assure toujours un soutien impeccable et le niçois Yoann Serra à la batterie - il était déjà sur le tout premier album du guitariste "Vive les jongleurs" - complète l'équilibre du groupe.

Assurément aucune fausse note dans le choix de ce quartet. Dans le jazzland de Jean-Philippe Muvien, à côté de ses propres compositions, on prend plaisir aux reprises de standards, "Beatrice" de Sam Rivers enchaîné sur un mode doucement mélancolique, ainsi qu'une "Blue bossa" de Kenny Dorham. Doté d'un montage vif, paré d'un son de qualité (la marque du studio de la Buissonne), cet album attachant, à l'évidence lumineuse, s'écoute d'un trait. Sans jouer la carte de la modernité, il célèbre dans une belle homogénéité de groupe, l'intemporalité du jazz, musique qui jaillit de l'immédiateté, avançant sans oublier ses (re)pères.