| | | par Jérôme Florio le 28/01/2005
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| Janis Ian est un bel exemple de longévité et de ténacité. Sa carrière débute de manière fracassante en 1966 avec "Society's child" : une histoire de romance "interraciale" qui accroche le top ten, et déclenche une vive polémique qui pousse la jeune Janis, 15 ans à peine, sous les feux des projecteurs d'une Amérique effarée (essayez d'imaginer notre Lorie créant le scandale avec un brulôt sur le Pacs !). Auteur intègre, socialement engagée, elle a toujours été volontiers pourfendeuse de tabous : racisme, homosexualité (elle dévoilera la sienne sur le tard, avec "Breaking silence" en 1993), et plus généralement la condition des femmes.
La période couverte par cette compilation est celle qui la verra aligner ses plus notables succès. Janis Ian s'est retirée une première fois du show-business en 1969, après des échecs commerciaux et un mariage qui ne tardera pas à capoter. Sur la paille après avoir généreusement distribué ses royalties à des amis ou des oeuvres de charité, elle revient par la petite porte en 1971.
Ian pratique un songwriting mûr et délicat, marqué par une attention sensible aux détails, chante d'une voix douce mais très maîtrisée, dans la tradition américaine de "l'entertainer" professionnel jusqu'au bout des ongles. C'est la mélodie qui prime sur tout le reste, l'accompagnement est assuré par des requins de studio (mais pas seulement, puisqu'on croise Chick Corea). Il est aujourd'hui difficile de ne pas trouver disqualifiante la facture trop impersonnelle de la production, très ancrée dans son époque celle qui voyait en haut des charts Carole King pour le meilleur, et des faiseuses comme Barbra Streisand pour le pire. Janis Ian oeuvre donc dans le "mainstream", mais ne se départit jamais d'une qualité essentielle : la dignité. En 1975, "Between the lines" est disque de platine aux USA et lauréat de deux Grammy Awards pour le single "At seventeen". Une chanson tendre et souple, avec un joli assortiment de guitares qui rappellent l'inspiration folk de ses premiers titres. Les extraits de "Aftertones" (1976) ont mal vieilli à cause du son évoqué plus haut. Revendicatrice, Ian refuse l'asservissement domestique que la société impose aux femmes ("Belle of the blues") ; en phase avec l'émergence de la communauté hispanique, "Miracle row" (1977) joue la carte de sonorités latino-américaines, voulues sensuelles, qui servent de support à l'homo-érotisme à peine voilé de "Maria".
Le vent tourne. Ses disques à la tenue toujours égale mais peu originaux, feutrés et cosy pour piano-bar ou pop-folk à la Carly Simon, ne suscitent que l'indifférence. Janis Ian collabore en 1980 avec Giorgio Moroder (le pape de la disco teutonne) sur le titre "Fly too high", un peu mou pour le dance-floor mais qu'elle investit de sa personnalité. Son label Columbia la débarque en 1981 (Ian a alors 30 ans !), et elle ne refera surface que douze ans plus tard, pour ne plus cesser de produire jusqu'à aujourd'hui (son dernier disque, "Billie's bones", est sorti en 2004 et a reçu un bon accueil). Sa carrière montre que l'on peut rester musicalement au milieu de la route sans rien céder de son éthique et du respect de l'auditeur. |
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