Petit génie de l'électro-pop, le
Droopy blondinet clôt avec "Assume form" une décennie qui
l'a vu connaître le succès public et la reconnaissance de ses pairs
: c'était aussi celle de ses vingt ans. Son éclosion publique en
tant qu'artiste a semble-t-il été plus rapide que celle de sa
personnalité privée, ce que pouvaient laisser entrevoir des disques
de plus en plus diffractés ("The colour in anything",
2016) dont l'électronique subtile s'accordait élégamment avec un
épais vague-à-l'âme.
"Assume form" est celui de
l'ouverture, avec un storytelling très apparent : Blake y
parle frontalement de ses émotions, invite d'autres à poser leur
voix (des jeunes pousses : le rappeur Travis Scott, les chanteuses
Moses Sumney et Rosalia, le vétéran André 3000 – moitié de
Outkast). Sur "I can't believe the way we float" et son
tapis volant de voix, il semble approcher de la félicité : tout
cela ressemble à une séance fructueuse de coaching de développement
personnel.
James s'approche parfois des côtés
les plus guimauve de Stevie Wonder ("Are you in love ?")
mais sa patte faite de minimalisme, avec un chant très teinté de
soul, garde un cap intimiste. Bien qu'ayant déménagé de Londres à
Los Angeles, Blake a emporté avec lui sa préférence pour les
lumières tamisées à celles d'un plein midi : "I'll come too"
est une dérive nocturne, classieuse, et pas solitaire. Composée au
piano, "Don't miss it" est comme une adresse à lui-même
de ne pas laisser filer sa vie, comme on se ferait un tatouage pour
ne pas oublier. Est-il passé si près du gouffre pour qu'il cherche
autant à s'en éloigner ?
JAMES BLAKE-Mile high (feat. Travis Scott et Metro Boomin') (Clip 2019)