Après l'orage

Humair, Zufferey & Boisseau

par Sophie Chambon le 25/09/2004

Note: 9.0    

Un trio piano-contrebasse-batterie, rien de plus classique. Mais quand le batteur s'appelle Daniel Humair et le contrebassiste Sébastien Boisseau, on dresse l'oreille et c'est alors que l'on entend Gabriel Zufferey, un tout jeune pianiste helvétique, la véritable inconnue de cette équation musicale. De quoi réjouir notre batteur franco-suisse préféré, l'une des grandes figures du jazz actuel, qui fait la pluie et le beau temps. Non seulement le petit "nouveau" tient la route, mais il impose une vive cadence à ses compagnons, ravis de lui emboîter le pas : preuve en est cet échange vigoureux avec Daniel Humair sur un "Hurry up" bien nommé ou l'étonnant "Just before" qui démarre comme un thriller, sur les chapeaux de roues.

Sébastien Boisseau est le troisième homme indispensable, chaleureux et attentif, celui qui donne confiance. Zufferey a composé la plupart des titres, hormis trois improvisations collectives enlevées (moment précieux que cet "Après l'orage" qui débute l'album) et deux reprises dont le "Skating in Central Park" de John Lewis, hommage explicite à l'un des maîtres du Modern Jazz Quartet. C'est que le pianiste, avec une technique impeccable, intègre avec à propos des références irisées ("Remembrance"), groove ou swingue allègrement - c'est comme on voudra - dans "Smiling", puissant dans ses accords frappés, délicat aussi, sur tempo lent, dans le "Here's that rainy day" de Jim Van Heussen.

Sonorité brillante, élégance du phrasé, legato soigné, le talent de Zufferey éclate dans ce premier témoignage, plus que prometteur. Porté par l'assurance épanouie de ses aînés, Gabriel Zufferey s'enhardit, profitant de l'osmose réelle du trio pour assumer son rôle nouveau de leader et développer une musique fluide, stimulante, toujours renouvelée, d'une pièce à l'autre. Le trio, ainsi mis sur pied, a intégré la modernité de la "canonique" formule triangulaire (notamment au niveau de l'indépendance des voix), en signant des miniatures raffinées, sensibles,
à l'image du spirituel "Entre deux", entre temps et à trois temps d'un "Après l'orage" attendu.

NB : La pochette représente un tableau de Daniel Humair, particulièrement mis en valeur sur le site d'Abeille musique dont on peut souligner la très belle tenue : voici un label qui soigne sa distribution et "met le paquet" avec une présentation efficace et précise de chaque album, une vraie fiche technique avec analyse des morceaux, des reproductions qui ne ressemblent pas à des timbre-postes. Ce n'est pas si fréquent.