A ce niveau d'immodestie, Hugues Aufray devient touchant. Au fil d'un livret auto-cireur de santiags, on apprend tout ce que nous lui devons : la mise sur orbite mondiale de Bob Dylan (il le traduira en français en 65, et Bob l'appellera pour le féliciter des textes, "meilleurs que les siens"), l'invention du concept de musique du monde, l'introduction en Europe de la musique brésilienne, la découverte de Gainsbourg...
Sans être rancunier Hugues est cependant amer, en veut à ses auteurs (Jacques Plante en tête) d'avoir signé de leurs noms ses propres compositions. Et de glisser "Santiano"... ! Mais monsieur Hugo Fray (comme dit Céline Dion), cette fameuse chanson de marin du 19ème siècle mexicain qui vous lança en 1962 au moment de Salut les Copains après quatre années de tentatives infructueuses sur la Rive Gauche, n'aurait-il pas été opportun et élégant d'enfin rendre l'hommage qu'elle mérite à Odetta, la première qui lui donna sa forme moderne en la recréant en 1956 (suivi du Kingston Trio en 58 et de David Fisher et ses Highwaymen en 1960) ? Une belle occasion de perdue.
Reste cette compilation Frémeaux bien faite et qui a valeur de document, car pour la première fois nous avons accès à des morceaux antérieurs au pas folichon "Poinçonneur des Lilas" et aux "Petites odalisques", titres de 1960 déjà connus. Nous sommes ici par exemple en 1959 avec la formation de Bob Aubert dont Aufray est le chanteur (en espagnol), pour trois 45 tours sur le label Teppaz, l'inventeur du tourne-disques pour ados ! Elle se poursuit avec les six EP suivants, sortis chez Barclay. dont "Santiano" (couplé à la reprise de Ray Charles "Georgia") fut le disque fer de lance à la suite de "L'enfant Do" (alors déjà repris par la débutante en France Petula Clark). Quelques jolies chansons - comme "San Miguel" - parsèment ce recueil d'archives, certainement appelé à une suite, pour inconditionnels d'Hugues Aufray, .