| | | par Jérôme Florio le 18/06/2004
| | |
| Vous connaissez la série "Les mystères de l'Ouest" : en familier des chemins de traverse qui sillonnent les Etats du Sud des USA, Howe Gelb en est un à lui tout seul. Que ce soit avec Giant Sand (dont la paire rythmique Joey Burns-John Convertino connaît le succès avec Calexico), OP8, en duo avec Steve Wynn, ou sous son propre nom, il travaille avec constance le folk et la country depuis une vingtaine d'années. Remuant et insaisissable, Gelb est une belle figure d'outlaw.
Le nom de son premier groupe retentit comme une déflagration : on l'imagine bien, la bande à Blacky Ranchette (quel nom d'opérette !), venant semer le désordre dans des petites villes où trônent de part et d'autre de l'unique rue le bureau du shériff, le barbier, le bordel, et surtout le saloon. Quand t'es dans le désert depuis trop longtemps, c'est pas pour ça que tu bois de l'eau minérale : un Far-West truculent et haut en couleurs, rempli de cow-boys azimutés et fous de la gâchette. Le groupe y croit vraiment, en tout cas il semble persuadé d'y habiter.
Ces enregistrements de 1984 sont d'une fraîcheur exaltante et communicative, ça joue sec et serré, tendu vers le même but. Les Blacky Ranchette endossent une défroque de hors-la-loi anachronique (c'est le règne de la pop synthé, Frankie Goes To Hollywood cartonne), très rock'n roll et plutôt sympathique. Mais ce qui ancre ces chansons dans notre époque plus que dans l'imitation rétro, c'est l'énergie punk : Howe Gelb n'est pas esseulé, avec pour compagnons de route le folk nerveux des Violent Femmes, la violence glaciale du Gun Club.
L'utilisation de la pedal-steel, d'un piano honky-tonk ("Blind justice") et le contre-chant féminin de "Heartland" n'empêche pas de mettre une bonne béquille à la tradition : "One more should do it" tangue comme du Pogues ou des Go-Betweens qui auraient abusé du goulot, la tête à plat sur le zinc du saloon. Une boite à rythmes (!) emmène la valse flageolante de "Spinning room waltz" : ces manières de mauvais garçons feraient tache au Grand Ole Opry, Mecque de la country intégriste que Gram Parsons, un autre impur, avait su scandaliser plus de dix ans en arrière.
"Revolution blues" est jouée absurde et près de l'os reprise de Neil Young, d'ailleurs le surnom de "Loner" irait bien à Howe Gelb ; "Code of the road" est une calvalcade sur des guitares sauvages montées en amazone dans le désert d'Arizona. La slide-guitar reptilienne d'"Evil", belle poussée de fièvre électrique et fébrile, fait penser à "The black road shines" des Apartments à la même époque des Australiens ceux-là, mais tous semblent habiter le désert hypnotique des Doors de "The end" ou "Riders on the storm".
Purgé de toutes les mauvaises vibrations, le disque s'apaise avec "Naturally lonesome" et son arrière-plan déformé, puis sur un titre acoustique habité et sur le fil du rasoir. Gonflé à bloc de conviction, d'énergie rock et d'un amour touchant de sincérité envers la country noble, "The band of
Blacky Ranchette" n'a pas pris une ride.
|
|
|