| | | par Hugo Catherine le 16/01/2006
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| Voix, piano et tambourin ; à vrai dire, tout sauf une formation orchestrale. Alors nous trébuchons tant le trio d'Henri Fourès est inspiré. Les trois musiciens sont vivaces ; ils impriment, à eux trois, une cadence haletante. La composition du groupe, aux allures de jamais vu, séduit, parce qu'elle met en valeur chaque musicien tout en questionnant, et donc magnifiant, la triade du trio.
La voix de Beñat Achiary n'est souvent qu'onomatopées. L'important est d'y entendre une unité de prononciation, diphtongues ou râles gutturaux, c'est selon. Puisqu'il associe les rythmes et assemble les mélodies, il crée son propre langage. Son unité langagière, très maîtrisée, mélange les couleurs du parlé, du chanté et du crié, expulsant le contenu, débridant le contenant. Sa démarche fonde un sens sonore et une non-signification vocable. Si Beñat Achiary visite une langue réelle, le français ou l'espagnol, il en extrait la poésie sonore et sensuelle ; sur "Pessoa Fernando", ses poèmes récités ou chantés en langue française révèlent une influence jazz plus visible, tant dans l'articulation que dans l'accentuation : Beñat Achiary nous fait alors un peu penser à Bernard Lubat ; sur "Hommage à Stravinski (valse)", morceau d'une grande profondeur, notre adepte de la vocalise fait honneur aux vertus dramatiques de la langue espagnole.
Ses complices ne sont pas moins brillants. Bien entendu, Henry Fourès domine amplement son objet, le piano. Il sait jouer avec la suspension du temps, laissant le silence, ou bien l'arrêt succinct, prendre son temps, ou bien passer son chemin. Carlo Rizzo, aux percussions, parvient parfois à faire sonner son tambourin comme un tabla, ce qui n'est pas peu dire. L'usage de cet instrument est une vraie épreuve, tant l'engin paraît peu diversifié. Comment alors expliquer, sinon par son grand talent, que le percussionniste n'est jamais bridé ? La performance de Carlo Rizzo est une leçon de virtuosité exploitant l'amplitude créatrice du tambourin, trop méconnu. Loin de son image basique, le tambourin de Carlo Rizzo peut être multi- ou poly-timbral ; le jeu de ce dernier témoigne d'influences multiples : jazz, traditions indiennes, maghrébines ou encore latines.
Le piano et le tambourin s'allient pour mieux délier leur périmètre rythmique respectif : si Henry Fourès se fait souvent le chef mélodique des mouvements longs et épars, tel une liante catalyse, Carlo Rizzo, de par ses frappes plus fréquentes, plus multiples, plus redoublées, ressemble davantage au feu follet de la cadence courte et furtive. Mais ces deux dynamiques ne s'opposent en rien, elles servent, d'un doigt velouté commun, la voix, tant meneuse qu'accompagnatrice.
Les attaques impulsives et les touchers soupirants du trio font de " Célébration du contre-jour " une escapade très relevée dont le premier morceau, "Char René", est une illustration parfaite. Seule une légère tendance à une forme de fuite en avant expérimentale peut-être moins convaincante, comme sur "Celan Paul" et "Delteil Joseph", nous retient, à peine, pour faire de cet album un trésor sudiste caché.
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