| | | par Jérôme Florio le 24/07/2004
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| Le début des années 70 marque un tournant dans la carrière d'Harry Nilsson, qui jusque-là était restée relativement confidentielle. 1971 le voit sciemment dépoussiérer le son "variété" US qui a été le sien jusqu'à présent au sens noble du terme, cf. le tube "Everybody's talking" sur la BOF de "Midnight cowboy".
Depuis longtemps attiré par le son des groupes de la "British invasion", au premier rang desquels les Beatles qui avaient adoubé son premier disque "The Pandemonium Shadow Show" en 1967, il a l'intuition qu'un vent frais venu d'Angleterre redonnerait un second souffle à sa carrière. Cette décision est à l'origine de "Nilsson Schmilsson", son plus gros succès commercial (qui engendrera des suites, "Son of Schmilsson" en 1972, "A little touch of Schmilsson in the night" en 1973). Pour provoquer le changement, Nilsson se défait de son arrangeur habituel George Tipton et délègue la production au jeune Richard Perry, après avoir jugé de son travail sur le premier disque de
Tiny Tim (!).
Ce ravalement de façade profite aux chansons d'Harry Nilsson, qui gagnent en vitalité. Tout est plus évident, brille comme neuf. "Gotta get up" et "Driving along" ouvrent le disque en exhibant leur son rutilant, chromé comme de belles mécaniques américaines. L'époque est à la luxuriance et aux expérimentations, on entend de l'accordéon, une fin quasi psyché au piano grimpant sur "Gotta get up" (intention présente dès le départ, comme l'atteste la démo piano-voix en bonus).
Galvanisé, Nilsson saute dans la marmite à pieds joints, lâche la bride sur des titres qui montrent une orientation clairement rock : "Down" et encore plus "Jump into the fire", où son chant se fait rauque, enveloppé de réverb comme sur les morceaux les plus électriques de John Lennon (dont le bassiste du Plastic Ono Band, Klaus Voorman, joue ici). L'ex-Beatle, fan déclaré, (il produira "Pussy cats" en 1974), s'est peut-être reconnu dans ce mélange de savoir-faire mélodique couplé à une ironie légèrement subversive (le titre du disque) ; mais toujours avec ce souci très américain de l'"entertainment". Sur "Early morning" et les nocturnes cordes hollywoodiennes d'"I'll never leave you", on s'approche du ton de Randy Newman. Nilsson démontre son talent de mélodiste et de chanteur sur les titres mid-tempo et ludiques : les churs de "The moonbeam song" prennent un bain de minuit sur une plage déserte, qui de jour se fait réjouissante et gentiment délurée avec "Coconut".
Ce n'est pas le grand saut pour autant. Harry Nilsson place aux deux tiers du disque la beaucoup moins cinglante "Let the good times roll" ; puis ce tube énorme, "Without you", monument de pathos, slow aux hormones composé par Pete Evans et Tom Ham de Badfinger. A l'extrême limite de la grandiloquence, Nilsson l'habille de cordes dramatiques qui font contrepoint à cet embarrassant déballage vocal. "Without you" est depuis revenue nous les briser menu par Mariah Carey, qui a trouvé là une autre occasion de nous offrir une vue imprenable sur ses amygdales. Plus réussie, l'utilisation qu'en a faite Roger Avary pour une poignante scène de suicide dans son film "Les lois de l'attraction". C'est dire
A cheval entre le milieu de la route et les envies de casser une image trop lisse, "Nilsson Schmilsson" est assez agréable grâce ou malgré cette facture de pop américaine carénée d'avant, déjà, un salvateur retour du rock.
NB : réédition agrémentée de huit bonus, des démos piano-voix dont "Old forgotten soldier" qui se retrouvera sur "Pussy cats " en 1974. |
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