Capitaine courageux

Gerard Manset

par Philippe X le 08/04/2010

Note: 8.0    

Alors le voilà ce "Capitaine courageux". Énième compilation consacrée à Gerard Manset ? En tout cas vraie compilation et en cela plus proche de celle de 1990 que du coffret 5 Cd de 1992 et des 8 Cd de 1999 qui se voulaient somme et donc rapidement obsolètes. Une vraie sélection (39 titres tout de même, presque 80 minutes par cd) et une vraie ligne artistique.

D'abord, l'objet nous rapproche de l'enfance, proche d'un de ces livres de science-fiction aujourd'hui désuète dont on se repaissait il y a 30 à 50 ans, lorsque tout restait à imaginer, que le progrès allait nous rendre tous heureux. Donc, un nom ; Manset (exit Gérard), un héros ; Capitaine courageux, un titre qui en appelle d'autres ; L'aventure galactique, la forme d'un livre, des illustrations de François Schuiten d'une infinie douceur ; en couverture, c'est 2001 vue par HG Wells avec un scalpel en guise de monolithe.

Le livret de 32 pages se laisse parcourir avec délice, les textes sont aérés et justement illustrés. Le premier chapitre est consacré à un texte inédit de Michel Braudeau sans intérêt, truffé de références à des textes de Manset decontextualisés et cités à l'emporte pièce. On a même droit à une phrase de Boris BerGerard Mansetan extirpée d'une chanson de Christophe. Ce Monsieur à des lettres et des oreilles mais franchement, son texte dévot pleins de clins d'œilqu'il se fait devant son miroir n'apprend rien, il manque de l'humour et du sens critique que l'on peut trouver en revanche dans le texte de Bayon (pages 10 à 15). Seul hic, le texte est connu puisque déjà publié (Rock & Folk de février 1980, en version longue). Enfin, pages 20 à 26, un texte de Gerard Manset qui débute ainsi "Le problème avec Manset c'est qu'il dit non". A mon humble avis, pas assez souvent depuis 10 ans quant il s'agit de gérer son fond de commerce. Un beau texte qui cherche sa vérité sur le fil de l'équilibriste, qui dit presque tout et son contraire, qui comme souvent chez Manset, s'en va avec la vague vers le large mais ne peut s'empêcher de revenir lécher le rivage.

Maintenant, les 3 Cd. Bien sûr, on aurait pu s'en passer et se contenter de l'objet. Mais ils existent et lorsqu'on les dépose dans le lecteur il y a du son qui jaillit des enceintes. Déjà, ne pas tenir compte des temps indiqués sur le track-listing de la page 30 pour pister les éventuelles nouvelles versions des titres proposés, ils sont quasiment tous erronés ce qui est une habitude des publications Manset. Car d'inédits point. De réédition de titres qui s'essoufflent et crachent dans les sillons des vinyles point. Alors, il faut polir toujours le même ivoire, chercher les petites différences, les détails. Le seul intérêt musical réside dans le choix des titres et leur ordonnancement, la chronologie étant respectée par Cd mais des titres du même album pouvant se retrouver sur les 3 disques. Le sang est principalement pris dans la veine nostalgique de Manset et en cela la réalisation de l'objet est conforme à son contenu musical. Nostalgie et enfance. Nostalgie de l'enfance. La part belle est faite aux albums "Lumières" (5 de ses 6 titres), "Matrice" (6 sur 7) et "Revivre" (6 sur 7). Les titres plus enjoués que l'on pouvait trouver sur "L'atelier du crabe" ("Marin'bar", "L'atelier du crabe"), "Comme un guerrier" ("Pour un joueur de guitare", "L'épée de lumière", "Toujours ensemble", "La route de terre"...) ou "Le train du soir" ("Quand les jours se suivent") sont absents, comme  "Musique dans la tête", mon titre préféré de Gerard Manset.

L'ensemble est toutefois cohérent et contrairement aux compilations fabriquées maison, le volume du son ne varie pas d'un morceau à l'autre et les enchaînement ont parfois un vraie saveur. Maintenant, chacun des Cd nous raconte-t-il un bout d'histoire différent ? Si j'ai trouvé l'ensemble du coffret cohérent, je ne suis parvenu à discerner à ce stade qu'une cohérence hypothétique par Cd. Le premier serait-il celui de la fuite en avant, le chant de notre départ, le second celui de la solitude détachée de tout et le troisième celui du départ de l'autre ou de la jeunesse, de l'absence ? Quelqu'un aurait-il d'autres pistes ?

Donc, au final, une réussite qui permettra de passer l'hiver au chaud dans ses souvenirs d'enfance, ou dans les souvenirs que l'on a de ses rêves d'enfance.



NDLR :  Cette chronique est une partie d'un article signé "Philippe", posté sur le forum Manset en novembre 2002 lors de la publication du coffret. S'il se reconnait, qu'il veuille bien se faire connaitre auprès de la rédaction (redaction - at - sefronia.com), nous serons heureux de l'accueillir.