Une nouvelle fois, un obscur groupe britannique se voit réédité en grandes largeurs par le label Grapefruit, via un surprenant petit coffret de trois CD. Certes un album paru en 1970 ("The magic shoemaker") avait déjà été réédité par le même label, mais le plus secret c'était la première vie de Fire, celle imbibée d'acide de 67/68 dont on n'avait en mémoire qu'une seule trace, le titre "Father's name is dad", présent sur la cultissime compilation "Chocolate soup for diabetics" dédiée au psychédélisme anglais (Bam Caruso 1980). La présente réédition comble non seulement la curiosité mais rend perplexe quant au non-succès de ce groupe.
Fire avait pourtant dès le départ de sacrés atouts. "Father's name is dad", le morceau-phare, aurait dû être un tube, car il avait tout : la pêche, le beat, les riffs, la voix à la Daltrey. Paru en single, il offrait en face B "Treacle toffee world", un morceau valant les savoureuses compos de face B des Who que signait John Entwistle (se souvenir de "Boris the spider"). Il est difficile de comprendre comment personne chez Decca (leur label un peu vieux jeu, probablement trop absorbé par les Stones et les Moody Blues) n'ait pas senti le potentiel de Fire et mis le paquet. Le single fut un flop, et la suite un calvaire, aucune de la vingtaine de démos proposées n'étant acceptée. Toutes composées par David Lambert (quelle voix !), elles sont réunies sur le premier Cd. Toutes bonnes, certaines le sont encore plus que d'autres (à écouter ci-dessous) : "Will i find love?", le bluesy "It's just love" ou cet "Alison Wonderland" d'une troublante modernité, dont on se prend à croire que David Thomas (Pere Ubu 1978) l'avait dans un coin de la tête.
Le groupe réussit à se faire ensuite signer par la maison Pye (Kinks, Donovan, Sandy Shaw...) et "The magic shoemaker" sortira en 1970. Le groupe y est beaucoup plus progressif, dans un format à concept (collages, montages), mêlant influences à la Who (la voix toujours) ou Led Zeppelin, Bowie, Pretty Things, Beatles, Nice ou Pink Floyd des débuts.
Le groupe se sépara après ce dernier échec, David Lambert rejoignit The Strawbs. Il est aujourd'hui moniteur de ski.
Le troisième Cd, très anecdotique au regard des deux premiers, est le concert d'une reformation en 2007 : très progressif (au mauvais sens du terme), il pèse lourd dès le départ (une "Overture" sous-Yes pénible), des démonstrations de synthé, et jusqu'à leur hymne "Father's name is dad" fait mal, repris très scrupuleusement sans aucun entrain. Un comble.