Attention ! Groupe à
"univers" ! C'est-à-dire un ensemble de signes qui le rend
immédiatement reconnaissable sur un marché musical en disette de
figures de proue, ce qui n'est pas le moindre de ses atouts
commercialement parlant. Avec son bagage littéraire et des
bacchantes apparentes, Feu! Chatterton construit un rock
rétrofuturiste à la française, qui rapproche Jules Verne du road
trip spatial de Thomas Pesquet, Boris Vian et la pop seventies
nappée de claviers. On y décèle les gènes de tout un ADN bien
chargé, Aznavour par exemple, ou encore Christophe que rappellent
les sonorités liquides, verticales, et la voix de Arthur Teboul sur
"Je ne te vois plus".
Il faut reconnaître
que Feu! Chatterton a les épaules assez larges pour porter avec une
grande légèreté toutes ces influences parfois intimidantes ; cette
approche que l'on peut trouver un tantinet précieuse témoigne aussi
d'une culture très bien digérée, et bien recrachée. Ceci dit, on
laisse Teboul roucouler en se désintéressant un peu du sens des
paroles, les sonorités de la langue française semblant plus
importantes : elles coulent très agréablement (on a rêvé ou il a
réussi à caser le mot "benjoin" ?), mais n'accrochent pas
non plus l'oreille. Cependant, les Feu! Chatterton ne sont pas les
premiers à pousser cette association rock-prose poétique : on pense
à Tanger (*), en moins vénéneux. Volontiers suranné, tirant
parfois en longueur (langueur), "L'oiseleur" réussit
néanmoins à envelopper son romantisme lettré et extatique d'une
une bulle musicale sensuelle, qui renvoie les reflets colorés et
kaléidoscopiques d'une boule à facettes.
FEU ! CHATTERTON L'oiseau (Clip 2018)
(*) groupe de
Philippe Pigeard (chant). En faisant des recherches à l'occasion de
cette chronique on a appris qu'Alexandre, le fils de Philippe,
faisait partie des trois victimes françaises des attentats de
Londres le 3 juin 2017. Triste nouvelle, triste anniversaire.