Le troisième disque de Felt s’éloigne très nettement du son austère des deux sorties précédentes ; c’est un tonitruant départ en croisade produit par John Leckie, qui propulse la musique du groupe dans l’arène pop.
“Roman litter” montre d’emblée un groupe confiant, avec une section rythmique qui s'affirme (Gary Ainge) et la voix de Lawrence clairement mixée en avant. La guitare de Maurice Deebank est toujours aussi sinueuse, mais elle se fond désormais dans le format ramassé des chansons, en adoptant une approche jingle jangle (son clair et bourdonnant, prédilection pour les cordes aigües) : à ce petit jeu, il est l’égal de Johnny Marr (The Smiths) ou de Will Sargeant (Echo & The Bunnymen) dans un autre style, et s’en démarque par des poussées épiques (“Dismantled king is off the throne”, “Sunlight bathed the golden glow”).
On se trouve dans la situation paradoxale où l’association Lawrence Hayward - Maurice Deebank n’a jamais aussi bien fonctionné, avec d’un autre côté deux visions divergentes : les pièces instrumentales pour guitare de Deebank (“Sempiternal darkness”, “Imprint”, l’hispanisante “Crucifix heaven”) amènent un contrepoint immédiat, presque un démenti, aux imparables chansons pop qui les entourent.
“The strange idol patterns and other short stories" est le précipité parfait des ambitions parfois contraires de Lawrence et Maurice, à savoir la quête du succès (pour Lawrence), et carrément changer la face de la musique pop (pour Maurice) tout en préservant une intégrité artistique (les deux). Ils ne retrouveront jamais plus cet équilibre, et le disque suivant “Ignite the seven cannons” sera le chant du cygne de leur collaboration.
FELT Dismantled king is off the throne (Audio seul 1984)
