| | | par Jérôme Florio le 07/01/2014
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| Soudard obstiné du rock, avec plus de quarante disques à son actif sur quatre décennies, Elliott Murphy n'a pourtant jamais joué les premiers rôles. On a beau être pote avec des cadors comme Bruce Springsteen, ou bien avoir joué avec le gratin des musiciens de la scène new-yorkaise des seventies, cela ne suffit pas toujours... La présente réédition compile ses deuxième ("Lost generation", 1975) et troisième ("Night lights", 1976) albums, qui n'ont pas trouvé pas leur public malgré leur indéniable potentiel commercial. Plus tard, Elliott Murphy trouvera néanmoins davantage de succès en Europe – il s'est installé à Paris voici une vingtaine d'années.
"Lost generation" est très bien réalisé, produit par Paul Rotchild (The Doors, Tim Buckley, Janis Joplin). Elliott Murphy y est accompagné par de solides musiciens de studio (Sonny Landreth à la guitare par exemple). Le son est lisse et soigné, versant d'abord clairement vers l'americana ("Hollywood") ; très vite les compositions et l'interprétation de Elliott se fondent en une sorte de synthèse adroite et pas si évidente de Bob Dylan et David Bowie. Rien que la pochette peut évoquer "The man who sold the world" (Bowie, 1971) – ou bien Richard Clayderman ? Murphy emprunte sans vergogne les rugissantes guitares glam, naviguant entre le son de "Ziggy Stardust" ("History") et "Hunky dory" (le charmant "Bittersweet" en écho à "Kooks"). Côté Dylan, les penchants littéraires et l'orgue à la Al Kooper sur "When you ride". La mélodie de "Lookin' back" se rapproche fortement de celle de "With a girl like you" des Troggs. Pour parachever l'ensemble, Elliott Murphy a une voix haut perchée et agile qui soutient la comparaison avec ses modèles. Ma préférence va à "Night Lights", irrigué par une énergie toute new-yorkaise. Enregistré sous la houlette de Steve Katz (producteur notamment des premiers Lou Reed), c'est un disque encore plus varié que "Lost generation" : à la fois plus rock et plus grandiloquent, mais qui sait aussi swinguer (piano et cuivres sur la très réussie "Deco dance") et se rapprocher des canons folk. Katz a rassemblé autour de Murphy un fameux groupe avec Doug Yule à la guitare (l'éternel remplaçant au sein du Velvet Underground), Jerry Harrison à la batterie (Modern Lovers, bientôt Talking Heads) ou encore… Billy Joel au piano. Les musiciens sont solides et balancent bien le boogie glam-rock de "Abraham Lincoln Continental", et "Lady stiletto" (cousine de la "Queen bitch" de Bowie) au texte bien vachard. L'épique et très orchestrée "Isadora's dancers" fait le mur (de "Berlin") avec ses chœurs d'enfants ; l'intro de "You never know what you're in for" prend un virage folk à 180° (guitare et harmonica façon Neil Young) tout en gardant un pied sur l'asphalte avec sa galerie personnages de urbains - prostituées, junkies… Entendre la voix de Doug Yule, dans les chœurs (sur "Lookin' for a hero" aussi), produit son petit effet pour tout amoureux du Velvet Underground…
Il y a un fort côté ludique dans le jeu d'Elliott Murphy avec ses influences - il décalque par exemple "Knockin' on heaven's door" (Bob Dylan encore) sur "Diamond by the yards". Dans sa première période, Murphy montre un talent de faiseur de qualité, à la fois ultra référencé sans être impersonnel : un savoir-faire parfois mal considéré, à tort.
ELLIOTT MURPHY Deco dance (Audio seul, 1976)
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