| | | par Sophie Chambon le 08/11/2004
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| Les pochettes du label Emouvance, producteur de musiques vivantes, sont toujours soignées et cultivent les correspondances entre peinture et musique. Celle de "Tota la vertat" attire l'il cette fois par un montage photographique original sur fond d'émeutes et répressions policières en pays de dictatures. Tout aussi fascinant est aussi ce trio, créé en 2003 par le batteur Denis Fournier, le contrebassiste Guillaume Séguron (on se souvient de son "Witches" célébrant à sa façon la musique du groupe Police dans la collection Ajmiseries) et le guitariste Philippe Deschepper, un des musiciens qu'accompagne fidèlement Emouvance. Il serait temps que l'on rende d'ailleurs hommage à celui qui trace sans se presser, un parcours original en plasticien du son des musiques actuelles. En exergue, la citation d'un autre membre du "clan", Stephan Oliva, donne le ton : "J'étais au cours d'une musique qui suscitait en moi toutes les sensations d'un cinéma irréel et fascinant". Et de la bouche de ce spécialiste de "la mise en sons" des films (entendre son récent "Loulou"), assurément, ceci est un compliment.
Denis Fournier envisage ces compositions collectives comme "des paysages harmoniques qui se trouvent dans nos mémoires", des humeurs qui alternent selon les concerts et constituent "la bande-son" d'une époque. On retrouve cette "Jazz attitude" et culture rock que l'on aime tellement croiser. Réfléchies et cérébrales, ces compositions laissent la place à de belles échappées libres, plus instinctives aussi comme sur cet "Antoni Tapiès" où, à l'image du peintre et sculpteur catalan qui a fait de l'art sa réalité, le trio expérimente les mélanges de matériaux, les effets de matières, les adjonctions d'objets sonores. Le rapport à la matière est en effet essentiel, et c'est à la guitare de Philippe Deschepper et à ses interventions en loops que l'on doit cette densité : on navigue dans un paysage sensuel et coloré, aux textures épaisses, entre diverses esthétiques, qui se tordent plus ou moins librement pour entrer dans le cadre "crimp cut".
Les quatre compositions (chacune tripartite) laissent le temps de plonger dans cette musique douce et violente, d'autant que la rythmique impeccable, plus qu'attentive, sait intervenir avec énergie pour entourer le guitariste, qui à son tour, brosse des arrière-plans confortables, presque douillets pour laisser émerger ses camarades de jeux. Un véritable sens du collectif avec figures libres, épanchements plus furieux, solos étirés d'une contrebasse lyrique qui ralentit le tempo, pilonnement continu d'une batterie aux aguets : cela circule, c'est électrisant, et c'est bien ce qui compte, en effet, que quelque chose de profond, une qualité humaine se dégagent de cette musique. |
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