Beaurivage

David Grumel

par Jérôme Florio le 15/02/2006

Note: 4.0    

"Beaurivage" aura demandé quatre ans de ténacité à David Grumel, le temps de quelques essais pas satisfaisants pour trouver les personnes qui incarneraient au mieux son projet : chose faite en la personne de Bardi Johansson, l'islandais de Bang Gang et Lady&Bird, qui en acceptant d'être co-producteur a fait basculer l'envie en réalité.

Mais quatre ans, voire plus si on remonte à la conception des compositions, cela peut être long : l'inspiration de "Beaurivage" rappelle fortement les disques sortis dans le sillage du mouvement trip-hop, dans la deuxième moitié des années 90 - un son cinématique à base de samples, scratches et cordes qui a déjà pris un sacré coup de vieux (le "retour du rock" est passé par là)...
Bardi Johansson a convié dans son studio de Reykjavik ses amis musiciens de tous bords, et son travail à la production est pour le moins léché. Quand David Grumel prend le micro, on pense à Jay-Jay Johansson ou Benjamin Diamond ("Freerush"), avec des manières de petit blanc qui s'essaye à chanter soul ("Until the end of time"). Les intros orchestrales de "Revolution beat" et "Overground (1971)" – chantée par un fade Brian McPartlin - rappellent Archive et Massive Attack période "Blue lines". Rajoutons une touche jazzy lyophilisée de St-Germain ("Beaurivage") et d'Alex Gopher : comme ce dernier avec "The child", Grumel sample la voix de Billie Holiday sur "Magnolias" (titre qui sert par ailleurs à illustrer la nouvelle campagne de pub "Renault Scenic" – tristesse). Aveu implicite : utiliser Billie Holiday, c'est ajouter un supplément d'âme à une musique qui en est dépourvue, tellement elle est lisse - le titre "Linoleum love" (un Air de "Playground love") est à cet égard révélateur...

Sur l'instrumental "Departure area", on a l'impression d'un Gainsbourg copiant Portishead qui sample Gainsbourg... des fantasmes de "Melody Nelson" flottent dans l'air. Mais le crash aérien du "Cargo culte" gainsbourgien est bien loin : distillant un ennui distingué et poli, "Beaurivage" donne la sensation de tourner les pages en papier glacé d'un magazine Air France.