| | | par Jérôme Florio le 23/04/2003
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| Il s'en est fallu de peu que l'excellent deuxième disque de David Clement ne voie jamais le jour : si "Your free gift" est maintenant sous nos yeux et nos oreilles, c'est grâce à la patience et à l'obstination de son auteur, qui aura dû avaler pas mal de couleuvres
depuis la parution de "Be more like me" en... 1993. Venu s'installer à New York, Clement se laisse persuader par son ancienne camarade de classe Liz Phair (vous vous rappelez, "Exile in Guyville" ?) d'autofinancer son premier disque très dépouillé, accueilli favorablement par la presse spécialisée. Dans sa recherche d'une maison de disques, il entame de longues négociations avec Mercury, qui devient propriétaire de tous ses enregistrements. Clement entre en studio pour son deuxième disque en 1996. Puis tout se gâte : Universal attaque Mercury en justice, et la sortie de "Hard candy" est définitivement ajournée. Le disque dort toujours dans un tiroir. Son contrat arrive bientôt à terme, mais ce n'est que deux avocats et un procès plus tard que David Clement se verra accorder le droit de réenregistrer ses compositions. Six ans plus tard, le résultat est donc "Your free gift", autoproduit, vierge de toute rancœur, cadeau tombé du ciel. Le soin apporté à l'emballage séduit et force le respect : Clement a rêvé d'un supergroupe pour habiller ses chansons à la classique trame folk, et réunit quelques-unes des plus fines gâchettes new-yorkaises, parmi lesquelles Marc Ribot et Rob Bailey aux guitares. Des musiciens à l'intelligence sidérante, capables de tout jouer avec classe et sobriété : le disque se balance ainsi quasi mécaniquement entre chansons mid-tempo et rythmes plus énergiques, toujours avec une touche pop accrocheuse. Les guitares sont au premier plan, soit juste soutenues par une pedal-steel ou un orgue tiré d'une vieille piste de danse ("Geriatriphilia"), carillonnantes ("One"), ou se dressent contre la mélodie avec d'élégantes dissonances ("Da boy"). David Clement n'hésite jamais à s'imposer et chante d'une voix douce mais assurée. Engagé, militant pour la cause gay, ses textes explorent les rapports de force et de séduction au sein du couple,
parfois dans des atmosphères flottantes qui expriment l'incertitude des sentiments ("The yard"). Mais rien ne ressemble ici à un tract : à part quelques exceptions explicites ("Smells like a metaphor"), tout le monde peut s'y projeter. Impudique, Clement s'expose et met
en scène son théâtre intime, enfile le temps de "Ho me" le costume d'un crooner délicat. Moins geignard que Tom McRae, moins inconstant que Jude, David Clement est le genre de songwriter que l'on se fait parfois un plaisir d'aimer en France. Et en plus,
chargé d'un beau cadeau, il ne vient pas les mains vides : on l'accueille les bras ouverts. |
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