Space ducks

Daniel Johnston

par Jérôme Florio le 20/05/2013

Note: 8.0    

Vous vous rappelez des "Cochons dans l'espace" ? C'était une séquence du Muppet Show dans laquelle Peggy, Kermit & Co parodiaient Star Trek et autres space opera ; c'est au tour de Daniel Johnston de propulser ses propres oiseaux en orbite dans une fusée à plusieurs étages : un comic-book, une application pour tablette, et ce disque. Se prendrait-il pour Björk ?

La vitalité de Johnston, dont la santé mentale est précaire, n'en finit pas d'étonner et fait vraiment plaisir à entendre. Ces dernières années, il a fait feu de tout bois, passant de disques en solo accompagnés par une fanfare ("Beam me up", 2009) à ce présent projet qui concrétise un vieux rêve : publier un comic-book. Il est réconfortant de constater que Daniel se situe encore une fois du côté de l'underground, intrinsèquement à la marge, à l'heure où ces Bd sont devenues une pompe à fric hollywoodienne et un produit d'exportation commercial massif (voir les super-héros Marvel / DC Comics).
La moitié des titres (sept) sont signés par des artistes se greffant sur le projet : les Fruit Bats ("Evil magic"), la jeune pousse anglaise Jake Bugg ("Man on the moon"), la (trop) délicate Lavender Diamond ("Moment of laughter") pour des chansons simples et honnêtes, mais qui paraissent dévitalisées comparées à celles de Johnston. Les seuls à rivaliser, dans un genre power pop sudiste, sont Deer Tick avec "Space ducks". Entouré par des musiciens et des producteurs à l'écoute, qui savent peut-être mieux que lui-même comment le faire sonner, Daniel Johnston emporte aisément le morceau. Dès l'ouverture "Space ducks theme song", le côté lo-fi approximatif, enjoué et décalé, qui rend Daniel si attachant fonctionne à plein. Il tient la note sur "American dream", sur le beatlesien "Sense of humor" (au sens de "I'm the Walrus"), et signe un nouveau classique de pop série Z avec le jouissif "Mean girls give pleasure". Les textes sont mordants ("Mask").

Ce n'est pas la moindre des qualités de Daniel Johnston d'accueillir l'auditeur avec le sourire dans son univers parfois très torturé – même ici, en sourdine. "Space ducks" nous en réserve la part la plus accessible, et on s'en fait une petite fête.



DANIEL JOHNSTON Space ducks