Morceaux qui Tuent Wallingford Rachel Pear Beacon hill
"It's allright, baby" est la phrase qui conclut tout en douceur le dixième disque d'un songwriter qui semble avoir remisé ses tourments au vestiaire - est-ce un effet de sa récente paternité ? Sans renouveler son inspiration, et en délaissant complètement toute expérimentation, "Saint Bartlett" se place dans la continuité de "Caught in the trees" (2008) : la musique de Damien Jurado respire avec une liberté et un naturel grandissants.
La tonalité est d'emblée assez légère avec l'atmosphérique "Cloudy shoes", qui utilise des fioritures d'arrangements pour lisser le son (nappes de claviers imitant des cordes, voix filtrée) ; Jurado semble sur la bonne voie ("Trying to fix my mind / Still trying to fix my mind..."). Sur "Arkansas", la guitare réverbérée et le piano qui rythme la chanson évoquent discrètement les sixties insouciantes des Beach Boys, une évocation renforcée par la voix de tête de Damien - dans le rôle de l'ours mal léché qui s'invite au bal de fin d'année du lycée. C'est avec "Throwing your voice" que les choses sérieuses commencent : une rythmique mixée en avant, quelques accords de piano de bastringue qui marquent les temps forts, pour une chanson qui s'impose avec une force tranquille. L'électricité est globalement réduite à la portion congrue : exception de taille avec "Wallingford" qui cherche et parvient à créer ce son lourd, épique et charbonneux que l'on adore chez Neil Young & Crazy Horse. Les larsens n'enlèvent rien de cette sensation enveloppante, attentionnée, qui imprègne tout le disque. Les titres acoustiques sont immédiatement poignants et caressants, comme des berceuses : "Rachel & Cali", "Pear", "Beacon Hill", "Kansas City" (peu à peu salie par un bruit de fond, comme une station radio mal captée), ont tous l'étoffe de classiques instantanés.
Les textes parlent de relations d'amour / amitié jamais closes, parfois douloureuses, mais qui laissent généreusement la porte ouverte à l'autre – le partenaire, ou l'auditeur que nous sommes et qui ne se fait pas prier pour entrer.