Si l'épopée Crosby, Stills, Nash (& Young) se développa discographiquement sur trois années, un premier album éponyme en 1969, un deuxième ("Déjà vu") en 1970 censé marquer l'arrivée de Neil Young et un dernier ("4 way street") double live en 1971 terminant l'aventure, la réalité était toute autre.
En 1969 le trio - David Crosby, Stephen Stills, Graham Nash -, présenté par Atlantic comme un "supergroupe", ces réunions de musiciens issus de groupes célèbres (ici Byrds, Buffalo Springfield et Hollies) est dès le premier concert rejoint par Young, trop heureux, après l'échec de son premier album solo, de retrouver Stills pour se replonger dans "l'esprit génial du Buffalo Springfield".
Le premier album est publié fin mai 69, et Crosby, Stills, Nash & Young monte sur scène au festival de Woodstock en août. Nous n'en avons aucune trace sonore ou filmée, Neil Young ayant imposé un véto total. Leur deuxième apparition est bookée par Bill Graham pour septembre au Fillmore East de New York, avec quatre concerts. C'est la compilation de ces shows qui figure aujourd'hui sur ce live (supervisée par Stills, Nash et Young).
Personnellement je n'ai jamais aimé le live "4 way street" de 1971, quatre faces de vinyle sans chaleur, sans unité, public paraissant
loin en permanence, à l'exception de rares passages imprégnés d'une
palpable émotion ("Chicago" de Nash, "Ohio" de Young). On comprit pourquoi plus tard, quand fut révélé qu'il n'était qu'un collage demandé par Atlantic et réalisé par Nash d'extraits de concerts de la tournée 1971, sans aucune unité de lieu, dans une ambiance tendue, avec un Stills hyper-cocaïné forçant les trois autres à jeter l'éponge 10 dates avant la fin, provoquant le split du groupe.
"Live at Fillmore East, 1969" n'a rien d'une imposture de ce genre, et même s'il s'agit encore d'un montage, il a l'avantage du même lieu (déjà mythique) et du même moment (un week-end de septembre), et probablement du même public. D'emblée, on constate que CSN&Y possèdent l'essentiel
de leur répertoire à venir, à l'image des débuts de Jefferson Airplane ou des Doors, avantage permettant d'avoir des munitions pour la ponte de futurs albums.
Le ton est donné en ouverture avec une longue version acoustique de "Suite : Judy blue eyes", que le public connaît déjà par coeur : le concert sera dynamique et complice. La suite est un patchwork : une reprise des Beatles ("Blackbird"), "On the way home", titre de Young déjà présent sur "4 way street" et publié depuis sur ses archives (volume "Topanga 1969"), l'ébauche de "Go back home", un des deux meilleurs titres du premier LP solo de Stills (fameux pour le splendide solo final d'Eric Clapton), "Sea of madness", "I've loved her so much" et le chef d'oeuvre "Down by the river" (sommet du LP Everybody knows..." 1969) de Young, "Wooden ships" co-écrite avec Paul Kantner de l'Airplane et une brassée de classiques du groupe : "Helplessly hoping" avec la voix merveilleusement cassée de Stills, belle même dans ses dérapages, "Guinnevere", "Lady of the island", "4 + 20", "Our house" (hommage de Nash à Joni Mitchell), "Find the cost of freedom"...
Avec une partie acoustique et une autre électrique (avec Greg Reeves à la basse et Dallas Taylor à la batterie), "Live at Fillmore East, 1969" laisse
KO devant autant de ferveur dans la salle et d'enthousiasme et de foi sur la scène, comme une joie d'être ensemble. "Heureux" diront-ils.
CROSBY, STILLS, NASH & YOUNG Helplessly hoping (Live Fillmore East 1969)
CROSBY, STILLS, NASH & YOUNG Blackbird (Live Fillmore East 1969)
CROSBY, STILLS, NASH & YOUNG Go back home (Live Fillmore East 1969)
CROSBY, STILLS, NASH & YOUNG Down by the river (Live Fillmore East 1969)