Junk magic (Blues Series)

Craig Taborn

par Sophie Chambon le 30/08/2004

Note: 8.0    

Craig Taborn, originaire de Minneapolis, a joué du clavier dans le quartet de James Carter, participé à l'Art Ensemble of Chicago, enregistré avec Carl Craig, assisté Tim Berg et Dave Douglas. Comme il a tiré son épingle du jeu dans des configurations aussi diverses, il est intéressant de le voir "à son compte". Et le résultat est à la hauteur avec "Junk magic" (déjà son troisième album) sur le label Thirsty Ear dans la catégorie Blues Series.

Accompagné d'une équipe de musiciens d'horizons différents, Aaron Stewart au saxophone ténor, Mat Maneri au violon et David King à la batterie, Craig Taborn se livre à une passionnante exploration du son, réalisant la synthèse de certaines tendances de la musique actuelle : entre jazz et électronique, abstraction et musique planante. Créant un climat surnaturel dès le premier et long morceau éponyme, aux graves déstabilisants qu'un violon éraillé survole, dans un brouillard en nappes de sons sillonné de séquences break beat. Après le bref répit de "Mystero", un noir "Shining through" débute par quelques accents plus traditionnels au saxophone, on se croit enfin de retour sur les terres connues du jazz mais le confort est de courte durée et la machine de nouveau s'emballe dans un vertige dissonnant. Dans "Prismatica", David King, le batteur de The Bad Plus et de Happy Apple, autre Minneapolisien, retrouve sa vigueur et sa frappe un peu trop systématiques.

Sans faire exploser toutes les conventions, Craig Taborn modifie certaines données du paysage musical : une instrumentation originale dont il sait tirer partie, en introduisant en permanence des effets bizarres et en modelant le son. Il prend un malin plaisir à brouiller les cartes, à alterner les rythmes, à perturber les sensations comme dans le bien nommé "Bodies at rest and in motion" où la douceur initiale devient vite inquiétante. Il introduit un compromis intelligent entre jazz et électronique, une couleur spécifique, un sens réel du fragment. On tient peut-être là une piste sérieuse sur les tendances musicales à venir. A suivre...