The german jazz masters

Compilation

par Sophie Chambon le 19/11/2000

Note: 8.0    

Voici réunis sur le label indépendant Act Company, six des meilleurs musiciens de la scène musicale allemande actuelle, Alfred Mangelsdorff (trombone), Klaus Doldinger (saxophones), Manfred Schoof (trumpet & fluegelhorn), Wolfgang Dauner (piano), Wolfgang Haffner (batterie) et Eberhard Weber (basse). C'est l'une des qualités de cet album, et non des moindres, de faire partager la jubilation de "vieux amis" à se retrouver. S'ils ont tous été leaders à un moment de leur carrière, ils ont travaillé tous ensemble à ce projet et terminent d'ailleurs par la composition collective "Old friends blues". En dépit du nombre important de pièces, qui constituent comme un petit recueil de nouvelles, la performance musicale tient à l'unité de l'album qui décline un concept original : celui d'une harmonie fragmentée. En effet, sur une structure classique de jazz, avec des mélodies bien construites, chacun révèle, dans ses ruptures, l'expérience singulière de sa traversée du jazz. Un éclatement qui se reconstruit dans une (re)connaissance commune du jazz. Plus d'une heure de musique avec des compositions au rythme vif, des musiques de dance, presque de transe ("Trans tanz"), des ritournelles ("Und so weiter und so on") captivantes. Mélodique et soutenue, la musique du groupe entraîne vers des contrées certes déjà explorées (on pense à l'"Azur quartet" d'Henri Texier dans "An indian's week" et au "chant'' expressif de Glenn Ferris), mais plaisantes à retrouver. On plonge dans un univers de fiction, presque cinématographique, avec le phrasé souvent lyrique du pianiste Wolfgang Dauner. Dans cet espace imaginaire s'enchaînent les acrobaties sonores d'Alfred Mangelsdorff dont, à l'entendre growler, jouer des glissandos de coulisse et vibrer avec une belle énergie, on a du mal à imaginer qu'il soit né en 1928 ! II a joué avec les plus grands de la scène mondiale et traversé tous les styles, du bebop au free, en se forgeant un style personnel et poétique. Comment ne pas se laisser entraîner par cette course poursuite de tous les instruments ? Juste le rythme, la pulsation qui déplace les corps dans l'espace : c'est le batteur Wolfgang Haffner, le plus jeune (il est né en 1966), qui maintient la cadence sur toutes les plages, subtilement, mais efficacement. L'ivresse d'un tempo rapide saisit aussi les ballades. Souples et mélancoliques elles n'ont pas le temps de s'installer ("Horizons"), qu'elles finissent par se dérégler... elles aussi. Alors abandonnez-vous à la douce violence de cette musique libre, qui jaillit drue, continue... en suivant la cavalcade endiablée de six vieux amis !