Dans notre monde existent des fous, fans absolus de films de série
Z et surtout de leurs BO, tellement fous qu'ils en créent des labels
pour les publier. Ainsi Finders Keepers, spécialisé dans la
réédition d'œuvres anciennes voire archaïques, perles oubliées
de préférence méconnues.
Le cinéaste Jean Rollin, sorte de Ed Wood français, a commencé
à tourner à la fin des années 60 une œuvre vampiro-érotique qui
ne trouva jamais son public en France. Il finira par gagner sa vie en
faisant du porno et du gore de série B à une époque d'avant carré
blanc ou l'on pouvait encore voir cet "art" dans toutes les
bonnes salles du pays.
Pour construire ses BO, Rollin a fait principalement appel à
quatre musiciens : François Tusques, jazzman reconnu dans le
microcosme (il a introduit le free jazz en France) et complice de
Colette Magny, Pierre Raph, le futur documentariste Yvon Gérault et Acanthus, groupe énigmatique parfois appelé Unity, qui
n'est présent que sur la BO de "Le frisson des vampires".
Toutes les compos, plus ou moins psychédéliques collent
parfaitement au cinéma de genre. On passera volontiers sur les
compos de Raph très filmesques, malgré un joli "Jade lake"
et un intéressant "Jewel thieves" bien syncopé, pour
s'arrêter plus particulièrement sur celles d'Acanthus qui produit
un son assez floydien pré-explosion en vol de Syd Barret. Bien que
plus édulcoré et moins travaillé on y décèle une vraie analogie
dans "Le château" et quasiment dans tout le reste de leur
production d'ailleurs.
Les compos de François Tusques collent très bien aux films, dans
une ambiance cordes et contrebasse déjantées très free-jazz
des débuts. C'est à dire on barbouille et on expérimente en
collant un réveil au milieu de Debussy dans "Golden panther".
Du flou afin que l'auditeur se demande si tout ça est vraiment de la
musique. Yvon Gérault quant à lui réussit à nous pondre une
partita de Bach dans "Blue doll baroque" (logique), ainsi
qu'une improbable perle avec "Skittles" qui en une minute
trente vous fait basculer dans quatre univers différents.
Au final un album très fin 60's dans les sons, mais qui piquera
la curiosité de bon nombre de mélomanes afin d'aller voir les
(premiers) films du réalisateur maudit. Le contenu est homogène et
remarquablement bon musicalement en plus d'être très proche de
l'ambiance des films. Comme quoi on peut être maudit et avoir bon
goût !
Une excellente trouvaille de Finders Keepers dont on attend avec
impatience les futures productions.
YVON GERAULT Skittles & Quatre soeurs (1968 BO Le viol du vampire)