| | | par Francois Branchon le 03/11/2005
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| Heureux producteur de films Marin Karmitz, aux initiales comme sa Jaguar préférée, la Mark 2 (MK2) de 1962, la plus britannique des berlines anglaises. MK2, sa boite de production, comme son réseau de salles parisiennes, puis sa récente politique de rééditions et restaurations de films (Tati, Chaplin, Welles...) reflètent le même esprit, raffiné et sachant se risquer jusqu'au confortablement décalé : les films produits et/ou distribués ne se réclament d'aucune chapelle intello, mais ne visent pas non plus le grand public à tout prix, une ligne éditoriale dédiée aux auteurs (abordables) et rejetant les "produits marketing", une conduite qui est aussi celle de Sefronia.
Aujourd'hui MK2 est aussi un label musical, dédié aux BO de films distribués ("Last days" et "Elephant" de Gus van Sant, Chaplin), à des compilations électro ou de musiques du monde. "Rock et Cinéma" aborde pour la première fois le rock, avec comme impératif de choisir des morceaux "indissociables" des films où on les entend et de les assembler en une compilation cohérente et rythmée, un travail de "montage" qui n'est en général pas le fort des Sup de Co Le Havre qui pondent aujourd'hui les compils à la chaîne dans les maisons de disques.
Le choix des morceaux est intéressant, sait rompre avec le convenu ("Easy rider" le trip de Dennis Hopper est illustré avec Steppenwolf, mais par le puissant "The pusher" à la place de la scie "Born to be wild") et ose le supposé "non compilable" ("By this river", le Brian Eno ambient du "Fils" de Nani Moretti, "Trouble every day" des Tindersticks pour Claire Denis). Parfois peut-on tiquer de l'indissociabilité des morceaux avec leur film associé : "Satisfaction" de Devo pour le "Casino" de Scorcese ? "Just for life" de Iggy Pop pour "Trainspotting" de Danny Boyle ? "Dead flowers" de Townes van Zandt pour "The big Lebowski" des frères Cohen ? "Season of the witch" de Donovan pour "Prête à tout" de Gus van Sant ?...
On aurait aimé les remplacer par des titres spécialement composés pour le BO de leur film et ainsi beaucoup plus identitaires : "In the death car" d'Iggy Pop pour "Arizona dream" de Kusturica... "Almost nothing" de Perry Blake pour "Presque rien" de Sébastien Lifshitz... Quelques notes de Neil Young du "Dead man" de Jim Jarmush ou RZA pour "Ghost dog" du même...
Et puisqu'à la fois Claire Denis et Donovan sont choisis, comment avoir fait l'impasse sur le "Hey Gip" de "US go home", quand Grégoire Colin assure un plan séquence hallucinant des 5 minutes du morceau...
Au chapitre des derniers regrets, pas de trace de Wim Wenders, David Lynch, Michelangelo Antonioni, autant de cinéastes mélomanes qui soignent tant leur BO, mais on peut supposer des raisons de droits.
Cependant, cette compilation rattrape ses interrogations de casting par son rythme, son montage, eux parfaits. Démarrer une collection par "The pusher" de Steppenwolf - sa rythmique collante, sa guitare transperçante à dessein - est déjà très "prédateur" des sens, bon choix. Des enchaînements coulent de source - "A town called malice" des Jam ("Billy Elliott" de Stephen Daldry) derrière "Little green bog" de George Baker ("Reservoir dogs" de Quentin Tarentino) - et d'autres créent de belles cassures... Du bon boulot. A suivre !
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La bande son du rock : Steppenwolf, George Baker, Jam, Pixies, Tindersticks, Donovan, Devo, Velvet Underground, Brian Eno, Death in Vegas, Iggy Pop, Van Morrison, Mash, Townes van Zandt, Aimee Mann, Sporto Kantes, Pagoda |
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