| | | par Jérôme Florio le 25/11/2010
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| La réinterprétation par des artistes folk-rock nord-américains de chansons traditionnelles n'a rien d'une nouveauté ; régulièrement, des jeunes pousses viennent irriguer de leur verdeur des chants (de travail, d'amour, revendicatifs...) qui sans eux sombreraient dans l'oubli.
La particularité de "Come O Spirit !" est qu'il s'agit d'une sélection de chants religieux. Tous ont été composés entre le 16e et la fin du 19e siècle ; un livret de partitions (disponible gratuitement au téléchargement sur le site de Great Comfort Records) accompagne obligeamment le disque. Parfait pour une "hootenanny" entre potes ! Ces chansons ont passé l'épreuve du temps, et se prêtent sans doute plus que d'autres à une interprétation moderne. Ce sont des "standards" familiers... du moins à ceux qui vont à l'église le dimanche ! Musicalement, il n'y a pas un seul titre faible : c'est un grand respect que l'on sent s'établir entre les différents artistes qui collaborent, pour donner leur meilleur dans un registre finement ouvragé. Le charme fragile et persistant qui se dégage tient d'une part à des mélodies d'autant plus belles qu'elles sont simples - c'est un petit challenge de les transformer en pop-folk-songs de trois minutes et plus -, et pour le reste à une grande sensibilité dans des arrangements en dentelle fine. Pas question de blasphémer ! L'humilité des interprètes et la variété des styles emporte l'adhésion. Les dilutions instrumentales sont l'exception : un peu insistantes mais bien faites sur "Saviour, pilot me" (Laura Gibson), atmosphériques avec "He never said a mumblin'word" (The Welcome Wagon, arrangé par Sufjan Stevens). Ce sont les voix qui ont la part belle : les harmonies à quatre sur "It is finished", supportées par des cordes et de profonds accords de guitare électrique ; ou simplement a cappella (à six sur "Hard times"). Shara Worden invente un folklore lancinant venu d'ailleurs et parvient à faire vibrer un texte qui tient en quelques mots ("Kyrie"). D'autres choisissent de faire classique, soigné et court, comme Aimee Wilson ("O spirit !") ou Kate York ("Open thou my eyes"). Damien Jurado & Rosie Thomas délivrent un duo à l'ancienne ("Just a closer walk"), et dans un registre plus soul Sarah Fullen, Kelley McRae et Evan Gregory sortent un "Be still my soul" chaud et subtilement rythmé. Liz Janes décalque habilement la Nico de "These days" ("Chelsea girl", 1967) – picking et violons ("I believe").
Du côté des artistes, on a vraiment la sensation que c'est la spiritualité qui importe, pas la lettre : autrement dit, on n'est pas dans le prosélytisme plus ou moins affiché des groupes de la scène "Christian rock" ; non plus dans une obédience stricte à des préceptes religieux - par exemple Kery James qui s'interdisait l'utilisation d'instruments à vent pour se conformer à l'interprétation d'une sourate du Coran ("Si c'était à refaire", 2001). Côté label, par contre... Great Comfort Records (et sa division Bifrost Arts, organisation religieuse oecuménique à but non lucratif) affiche clairement son look "label chrétien supercool et rock indé", chose qui ne choque sans doute pas outre-Atlantique mais qui emmerde un peu le chroniqueur laïcard. Donc une bonne note pour la musique seulement.
NB : Il existe bien des vidéos sur Youtube, mais on préfère vous épargner les visuels pi(t)eusement clichetonneux / new age qui les accompagnent ! Allez plutôt écouter sur la page du label en lien.
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