| | | par Martin Dekeyser le 22/06/2001
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| Créé en 1994 à Francfort par Achim Szepanski, le label Mille Plateaux (qui doit son nom au bouquin de Gilles Deleuze et Felix Guattari) est dédié aux musiques minimalistes digitales. La compilation "Clicks & cuts" en est à son deuxième volume et vient de recevoir le prix Ars Electronica 2001 en Allemagne. On y retrouve quelques challengers tels que SND, Kid606 ou Vladislav Delay ainsi que des valeurs confirmées (Thomas Brinkmann, Pansonic ou Matmos). C'est un gros pavé qu'il vous faudra ingurgiter non sans difficultés, bien que le livret constitue une bonne porte d'entrée. Ces "clicks" et ces "cuts" sont des concepts constituant le moule de chacune de ces expérimentations sonores. Les morceaux sont façonnés pour dégager une vue minimaliste de la musique, basée sur l'importance de ce son si particulier et assimilé à une erreur dans la majorité des oeuvres musicales : le "click". Celui-ci est le produit des outils utilisés par ces musiciens du XXIème siècle. Ils laissent leurs machines produire des sons (certains programmes générant des bugs) avec un minimum d'intention, celle-ci se trouvant dans le concept de "cut". Il s'agit de la limite que l'artiste met à cette production machinique et qui la fait passer de ce statut à celui d'art. L'artiste est à considérer à la fois comme le programmateur de la machine mais aussi comme un sculpteur du son. Il découpe, façonne une oeuvre artistique à partir du matériau primaire délivré par la machine ou le programme qu'il a conçu. L'oreille est titillée d'un ensemble déstructuré de sons, de cuts (ici en tant que coupure), de bruits et de silences dans lesquels on tente de chercher sa structure. On en vient, tout comme dans l'art contemporain, à mettre de côté le dogmatisme de l'intention de l'artiste et à se jeter pleinement dans son interprétation personnelle d'une musique résolument bouillonnante. Chaque oeuvre laisse libre cours à une interaction entre machines désirantes productrices de sens : machine-click, machine-cut et machine-auditeur. Foucault avait qualifié l'oeuvre de Deleuze d'introduction à une vie non fasciste. "Clicks & cuts" représente un de ses versants musicaux. |
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