| | | par Jérôme Florio le 13/04/2005
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| Comme le précisait le titre de son premier disque, sorti en 1972 sur Dandelion (le label de John Peel), Clifford T. Ward était un "singer-songwriter", qui s'inscrivait dans la tradition "middle-of-the-road" un peu sirupeuse de l'époque (à rapprocher de Michael d'Abo, voire de l'Elton John des débuts).
On imagine que la sortie de "Sometime next year" en 1986 a dû pas mal décontenancer, et même embarrasser, les familiers de sa musique : toutes proportions gardées, on pense à la direction "tout synthétique" prise par Leonard Cohen au début des années 80 à part qu'ici aucun titre ne soutient la comparaison avec la moindre chanson du Canadien, même massacrée par les synthés pourris de "Various positions" (1984).
"Sometime next year" pourrait servir d'exemple de ce que ces années de révolutions technologiques ont produit de pire en termes de sabotage du son. Un habillage horriblement démodé, qui réveille des vieux cauchemars : ce son mat et plein de réverb de la batterie (si c'en est une), les rares guitares sont désincarnées, même la prise de voix est plate, surnageant au-dessus de nappes sans âme comme une marée huileuse sur l'Atlantique. Le manque de moyens se fait sentir, le disque sonne comme une démo ou comme John Cale pris en otage par Supertramp.
On a coutume de dire que les bonnes chansons supportent tous les traitements. Leonard Cohen avait déjà été très sadique avec "Hallelujah", mais les sévices infligés ici feraient demander grâce aux plus braves compositions. Alors quand cela s'applique à une écriture à la dérive totale, les dégâts sont terribles : c'est un peu gênant d'entendre l'hôpital se foutre de la charité sur la critique peu convaincue de "Another radio station" ; "Quiz show" et "Cricket" (en titre bonus, sur un match de cricket entre l'Inde et l'Angleterre !) sont tellement mauvaises qu'on a peine à y croire. Rien ne tient debout au mileu d'une déliquescence générale ("Prams", "Who cares", "Turbo", etc).
On aurait pu prendre "Sometime next year" comme du Monty Python au 36e degré, et on l'aurait par exemple rangé aux côtés des horreurs perversement jouissives de la compile "Tales from the Rhino". Malheureusement, à l'époque de l'enregistrement, Clifford T. Ward commençait à se battre contre les scléroses qui l'ont emporté voici trois ans, et on comprend qu'il ait eu d'autres préoccupations que la musique. |
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