| | | par Jérôme Florio le 04/02/2006
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| Le précédent disque de Cat Power, "You are free" (2003), sonnait comme une déclaration d'indépendance : l'annonce de l'enregistrement de "The greatest" dans le berceau de la soul sudiste (les fameux studios Ardent à Memphis - de Sam & Dave à Big Star, en passant par Isaac Hayes et Led Zeppelin) pouvait laisser espérer une guerre de sécession. Mais à l'image du boxeur Mohammed Ali, auquel le titre et la jaquette font référence, Chan Marshall a raccroché les gants.
Malgré ses allures chétives, on savait que la musique de Cat Power ne manquait ni de coeur ni de "soul". Travailler avec des musiciens vétérans, qui ont joué pour Al Green (Leroy et Mabon "Teenie" Hodges) ou avec Booker T. & The MG's (Steve Potts), pouvait faire redouter aux popeux un virage "middle-of-the-road". Ce serait oublier que le milieu de la route est un endroit dangereux (qui plus est pour un chat), et y rester entier demande une tenue impeccable, au risque de finir dans les ornières de la variétoche. Ceux qui y réussissent accouchent parfois de classiques ("Harvest" de Neil Young est un cas d'école). Ce n'est pas le cas de "The greatest", un bon disque qui ne reste qu'à l'état de promesse, un peu décevant par rapport aux attentes qu'il suscitait en même temps que fidèle à la personnalité de son auteur.
"The greatest", qui ouvre le bal avec de soyeux arrangements de cordes, a le parfum des "folk-songs" authentiques qui parlent des gens durs au mal, d'une vie de labeur et de droiture. Pourtant la rencontre ne se fait pas vraiment : malgré la belle facture de l'ensemble, on a l'impression que Chan Marshall et son piano jouent de leur côté, et que les musiciens brodent par-dessus. Broderie légère : une rythmique ronde et laid-back un peu paresseuse marque les cinq premiers titres, quelques touches de piano honky-tonk et de pedal-steel, des cuivres piquants sur "Could we" amènent la coloration que l'on attendait du passage par les studios Ardent. Mais par un effet pervers, l'accompagnement fait ressortir les limites de l'écriture de Chan Marshall, qui tourne sempiternellement autour des trois mêmes accords. C'est certainement une qualité de ne pas avoir bodybuildé les chansons, et la preuve d'une personnalité affirmée bien moins fragile qu'il n'y paraît, mais on peut aussi regretter ce manque de dialogue.
Après avoir tenté courageusement une sortie et forcé son naturel, Marshall se referme comme une huître : "Where is my love", "The moon" revêtent l'aspect dépouillé dans lequel elle s'exprime le plus directement (dans l'esprit de "You are free", avec un son plus rond). Ensuite, "After it all" et "Islands" reprennent très pépèrement et sans conviction la route de Memphis.
Mais alors qu'on pensait Cat Power dans les cordes, après un "Hate" dans le plus pur style maison (trois accords de guitare-voix dans les chaussettes), elle et ses vieux matous remontent sur le ring et sortent les griffes sur un "Love & communication" tout en rythmique appuyée et guitares ronflantes. L'attachante Chan Marshall finit par gagner aux points à la treizième reprise. |
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